La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME :

Considérant que par requête introductive d’instance en date du 6 mars 2004, déposée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le 8 mars 2004, la S.A Papeteries de Madagascar, représentée par son président-directeur général, ayant pour conseils Maîtres Noro et Liva RAMBELOSON, avocats au barreau de Madagascar, soulève l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions des articles 13 et 14 de la loi n°98-005 du 19 février 1998 instituant une section de la Chambre commerciale et une procédure particulière pour le recouvrement de certaines créances des banques nationales ;

Que par jugement avant-dire-droit n°01 du 6 février 2004, le Tribunal de commerce d’Antananarivo surseoit à statuer en application de l’article 122, alinéa 2, de la Constitution et impartit un délai de un mois pour saisir la Haute Cour Constitutionnelle ;

Que la saisine de la Haute Juridiction effectuée le 8 mars 2004 dans les formes et délais prescrits par la législation en vigueur est régulière donc recevable ;

AU FOND :

Considérant qu’à l’appui de la demande, la requérante soutient :

« Que la section de la chambre commerciale statue par jugement en premier et dernier ressort ;
Que la décision n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel ;
Que les articles attaqués ont été édictés en violation du principe du bénéfice de tout justiciable à un double degré de juridiction, principe garanti par la constitution en son article 13, alinéa 7, relatif à la plénitude et l’inviolabilité des droits de la défense devant toutes les juridictions ;
Que PAPAMD a intérêt à demander l’annulation de cette disposition préjudiciant à ses droits ;
Que la règle du double degré de juridiction -l’instance et l’appel- repose sur un double motif puisque -l’appel permet de corriger l’erreur ou l’injustice qui peut se rencontrer dans un jugement, -la décision rendue par une formation collégiale garantit au justiciable un minimum d’impartialité ;
Que cette règle du double degré de juridiction est un principe général du droit ; que le législateur seul peut y déroger certes mais que toutefois, cette faculté connaît une limite, celle d’observer le principe constitutionnel du respect des droits de la défense ;
Que ce principe exprime l’idée qu’il faut assurer et protéger la défense des intérêts des parties, lesquelles ont droit à un procès équitable qui se traduit essentiellement par l’égalité des armes ;
Que cette égalité des armes implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire ;
Que dans le cas d’espèce, cette loi spéciale a été édictée pour faciliter le recouvrement des créances des banques nationales et éviter toute lourdeur de procédure ;
Qu’ainsi en supprimant la règle du double degré de juridiction, le législateur s’est décidé par une considération toute pratique omettant ainsi l’obligation qui s’impose à lui, celle du respect des droits de la défense se traduisant par la reconnaissance à tout plaideur du droit à un procès équitable ;
Qu’en effet, la suppression de toutes voies de recours posée par cette loi met le débiteur en situation de net désavantage par rapport à la banque, surtout que l’impact de la décision à intervenir est grave, eu égard à l’importance de l’intérêt du litige, les créances soumises à cette procédure étant celles dont le montant est supérieur ou égal à 100 millions ;
Que ces articles nuisent aux intérêts de la société requérante ;
Que cette règle a été édictée en violation du principe fondamental du respect des droits de la défense garanti par la Constitution » ;

Considérant que la Direction de la Législation et du Contentieux, représentant l’Etat Malagasy, par mémoire en défense en date du 17 mars 2004, conclut au rejet de la requête de la S.A PAPMAD comme non fondée aux motifs que la loi n°98-005 du 19 février 1998 avait fait régulièrement l’objet d’une décision de conformité à la Constitution de la part de la Haute Cour Constitutionnelle et de promulgation par le Président de la République ;

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Considérant que le respect des droits de la défense érigé en principe général du droit et les dispositions de l’article 13, in fine, de la Constitution selon lesquelles l’Etat garantit la plénitude et l’inviolabilité des droits de la défense devant toutes les juridictions et à tous les stades de la procédure y compris celui de l’enquête préliminaire au niveau de la police judiciaire ou du parquet, signifient que le défendeur a été mis en mesure de présenter sa défense et de formuler toutes les observations qu’il juge pertinentes ;

Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi n°98-005, le débiteur peut former contredit à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer, développer ses moyens dans le contredit et déposer au greffe les pièces justificatives ;

Considérant qu’en respectant les formalités de la loi, notamment en formant contredit à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer le 15 janvier 2004, le droit du débiteur a été respecté ;

Considérant que la loi n°98-005 du 19 février 1998 a été déclarée conforme à la Constitution suivant décision n°06-HCC/D3 du 18 février 1998 ;

Que suivant décision n°03-HCC/D3 du 19 juillet 2001, la Cour de céans a déjà statué pour le rejet des requêtes tendant aux mêmes fins ;

Qu’il échet de déclarer comme non fondée l’exception d’inconstitutionnalité soulevée ;

En conséquence,
D é c i d e :

Article premier.– La requête de la S.A Papeteries de Madagascar, ayant pour conseils Maîtres Noro et Liva Rambeloson, avocats au barreau de Madagascar, soulevant l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions des articles 13 et 14 de la loi n°98-005 du 19 février 1998 instituant une section de la Chambre commerciale et une procédure particulière pour le recouvrement de certaines créances des banques nationales, est rejetée comme non fondée.

Article 2.– La présente décision sera notifiée à la requérante et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le mercredi sept avril l’an deux mil quatre à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.