LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°080-PM/SGG du 22 mai 2003, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, se référant à l’article 123 de la Constitution, demande à la Haute Cour Constitutionnelle de donner son avis sur l’application des dispositions des articles 80, alinéa 3, et 84, alinéas 3 et 4, de la Constitution ;

Considérant que le Premier Ministre, Chef du Gouvernement expose :

Que par lettre n°341/02-Sénat/P du 30 septembre 2002 parvenue à la Primature le 7 octobre 2002, le Président du Sénat a transmis au Gouvernement pour observations deux propositions de loi déposées au bureau du Sénat et portant les références ci-après :
– PL n°01/2002 du 25 septembre 2002 portant amnistie,
– PL n°02/2002 du 25 septembre 2002 modifiant certaines dispositions de l’ordonnance n°2000-001 du 5 janvier 2001 portant loi organique relative au Sénat ;

Que suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale intervenue le 9 octobre 2002 (décret n°2002-1200 et le Sénat ne pouvant pas discuter de ces propositions de loi avant la session ordinaire de la nouvelle Assemblée Nationale du 6 mai 2003, conformément aux dispositions de l’article 80, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a estimé que le délai d’un mois à lui imparti par l’article 84, alinéa 3, et compté à partir du 7 octobre 2002, date de réception, se trouve interrompu à partir du 9 octobre 2002 pour reprendre le 6 mai 2003 ;

Qu’en effet, en application de l’article 84, alinéa 4, c’est le Sénat devant lequel les propositions ont été déposées qui devait examiner en premier lieu lesdites propositions. Or, aux termes de l’article 80, alinéa 3, par suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale « le Sénat ne peut discuter que des questions dont le Gouvernement l’a saisi pour avis, à l’exclusion de tout projet législatif » ;

Que par lettre du 8 mai 2003, le Gouvernement a sollicité soit une nouvelle communication des deux propositions de loi, afin de permettre de respecter le délai d’un mois imparti, soit la possibilité de formuler des observations en raison de l’interruption du délai prévu. »
Qu’en réponse, « Dans sa lettre du 20 mai 2003 (sous n°134/03-Sénat/P), le Sénat s’en tient à l’application des dispositions de l’article 84, alinéa 3, en soulignant que le Sénat fonctionnait normalement » ;

Que par conséquent, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement demande :
«- si à la suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale intervenue par décret n°2002-1200 du 9 octobre 2002, le Sénat fonctionnait normalement et que le Gouvernement est tenu de communiquer au Sénat dans le délai d’un mois imparti par l’article 84, alinéa 3, de la Constitution ses observations sur les deux propositions de loi déposées au bureau du Sénat ;
-ou si à la suite de cette dissolution de l’Assemblée Nationale, le Sénat ne pouvait examiner aucun texte législatif en application de l’article 80, alinéa 3, de la Constitution, et que par conséquent, le délai d’un mois indiqué à l’article 84, alinéa 3,se trouve suspendu ou interrompu jusqu’à l’ouverture d’une nouvelle session du Parlement » ;

* *
*

Considérant que la saisine, régulière en la forme, est recevable ;

Considérant que le chapitre III de la Constitution organise la procédure législative ordinaire laquelle requiert le concours indissociable des compétences de l’Assemblée Nationale, du Sénat et du Gouvernement ;

Considérant que par décret n°2002-1200 du 9 octobre 2002, l’Assemblée Nationale a été dissoute pour compter du 16 octobre 2002 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 80, alinéa 3, de la Constitution, «Lorsque l’Assemblée Nationale ne siège pas, le Sénat ne peut discuter que des questions dont le Gouvernement l’a saisi pour avis, à l’exclusion de tout projet législatif. » ;

Que dans son avis n°02-HCC/AV du 18 octobre 2002, la Cour de céans a tiré la conséquence selon laquelle « dès la date de dissolution de l’Assemblée Nationale, la session du Sénat est clôturée de plein droit » ;

Considérant, en outre, que du fait de la dissolution de l’Assemblée Nationale, la procédure législative ordinaire ne pouvait plus être mise en œuvre par les institutions concernées ;

Que même si le Sénat et le Gouvernement fonctionnaient régulièrement, leur compétence respective en matière de procédure législative ordinaire ne pouvait être exercée par suite de la dissolution de l’Assemblée Nationale ;

Considérant que l’interruption de l’exercice de la compétence législative ne peut que suspendre les délais impartis par l’article 84, alinéas 3 et 4, de la Constitution ;

Qu’en effet, d’une part, la procédure législative n’est applicable qu’en période de session parlementaire ordinaire ou extraordinaire ; que d’autre part, les délais impartis aux institutions sont destinés à éviter un éventuel blocage de la part de l’une ou l’autre des institutions concernées ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ;

Considérant, par conséquent, que le Gouvernement ne pouvait être tenu de formuler ses observations sur une proposition de loi en dehors d’une session parlementaire ;

Que compte tenu de la suspension du délai de trente jours intervenue entre le 16 octobre 2002, date d’effectivité de la dissolution de l’Assemblée Nationale, et le 6 mai 2003, date de la première session ordinaire du Parlement, le Gouvernement a la faculté de formuler ses observations jusqu’au 27 mai 2003 sur des propositions de loi qui lui ont été communiquées par le Sénat le 7 octobre 2002 ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.– La procédure législative ordinaire a été interrompue à partir du 16 octobre 2002, date d’effectivité de la dissolution de l’Assemblée Nationale.

Article 2.– Les délais impartis par l’article 84, alinéas 3 et 4, de la Constitution sont suspendus jusqu’à l’ouverture de la première session ordinaire du Parlement en date du 6 mai 2003.

Article 3.– Le Gouvernement peut valablement adresser ses observations sur les propositions de loi concernées jusqu’au 27 mai 2003, conformément aux dispositions de l’article 84, alinéa 3, de la Constitution.

Article 4.– Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le lundi vingt six mai l’an deux mil trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.

Suivent les signatures
Expédition certifiée conforme
Antananarivo, le 26 mai 2003
Le Greffier en chef,

RALISON Samuel Andriamorasoa