LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°178-AN/P/SG du 26 juillet 2005 la Vice-Présidente de l’Assemblée Nationle en application de l’article 123 de la Constitution demande l’avis de la Haute Cour Constitutionnelle sur la recevabilité de la demande de démission du Président de l’Assemblée Nationale déposée auprès de ladite Institution, dans la mesure où cette éventualité n’est pas expressement régie par les dispositions du Règlement Intérieur de ladite Assemblée.

1°) Sur la régularité de la saisine

Considérant qu’aux terme de l’article 15 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale « Les Vice-Présidents suppléent le Président en tant que de besoin … »

Considérant que préalablement à la saisine, par lettre en date du 10 septembre 2003 adressée au Président du Sénat, les trois Présidents des groupes parlementaires AREMA, LEADER FANILO, INDEPENDANT exposent que le pouvoir exécutif, par l’entremise du Ministère de l’Intérieur et de la Réforme Administrative a déjà donné son interprétation du texte à travers tous les médias, bloquant ainsi à l’avance toute interprétation contraire, en ayant insisté surtout sur l’impossibilité pour les Maires ayant déjà à leur actif deux mandats de se représenter aux prochaines élections communales, faisant valoir notamment les dispositions de l’article 127 alors que l’avant dernier alinéa de l’article 17 de fait pas de distinguo ;

Considérant que les Présidents des trois groupes parlementaires sus cités soutiennent que le principe de base est que tout citoyen qui a la capacité électorale peut être éligible et qu’aux termes de l’article 45 de la Constitution, le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans et qu’il est rééligible deux fois ; qu’ainsi, le Président de la République peut briguer trois mandats successifs, le même droit devant être accordé aux Maires, qui plus est, aucune disposition de la Constitution n’interdit aux élus, Députés, Sénateurs et Maires de renouveler leur mandat autant de fois qu’ils le souhaitent ; qu’il en découle que l’interprétation émise par le Ministère de l’Intérieur consistant en l’impossibilité pour les Maires ayant déjà à leur actif deux mandats de se représenter aux prochaines élections communales est non seulement erronée mais encore demeure une mesure discriminatoire et anti-démocratique ;

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Considérant que la demande tend en fait à solliciter l’avis de la Haute Juridiction d’une part sur l’interprétation, pour le cas d’espèce, des dispositions de l’article 8 de la Constitution sur l’égalité des citoyens en droit et sur la protection des libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination et, d’autre part, sur la possibilité ou non de l’application des dispositions de l’article 45 de la Constitution à la situation des Maires actuels ;

Considérant que s’agissant alors en définitive d’une demande d’avis sur l’interprétation de dispositions constitutionnelles conformément à l’article 123 de la Constitution, la demande, régulière en la forme, est recevable ;

Considérant d’emblée que la Constitution n’a pas fixé la durée du mandat des Maires et que cette matière relève du domaine de la loi ;

Considérant d’ailleurs que les dispositions constitutionnelles sont d’interprétation stricte et ne peuvent être élargies à d’autres domaines non prévus par la lettre de la loi fondamentale ; qu’ainsi, les dispositions de l’article 45 de la Constitution ne s’appliquent qu’au seul Président de la République et ne peuvent en aucun cas régler la situation des Maires ;

Considérant qu’aux termes de l’article 127 de la loi n°2003-024 du 13 août 2003 relative aux élections communales, « Sur tous les points qui n’auront pas été réglés par la présente loi, il est fait application de la loi n°94-006 du 26 avril 1995 relative aux élections territoriales … » et qu’aux termes de l’article 128 de la même loi, « Toutes dispositions antérieures, contraires à celles de la présente loi sont et demeurent abrogées. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 31 de la loi n°94-006 du 26 avril 1995 relative aux élections territoriales, article non abrogé et non contraire aux dispositions de la nouvelle loi n°2003-024 du 13 août 2003 relative aux élections communales, « Les Maires et les Présidents des bureaux exécutifs sont élus au suffrage universel direct au scrutin uninominal à un tour … Leur mandat est de quatre ans renouvelable une fois. » ;

Considérant en conséquence qu’en application des dispositions légales en vigueur, les Maires actuels ayant déjà accompli deux mandats successifs sont inéligibles aux prochaines élections communales ;

Considérant d’ailleurs que la fixation de la durée du mandat des Maires par la loi n’entre pas en violation des dispositions constitutionnelles, la loi n°94-006 du 26 avril 1995 ayant été déclarée conforme à la Constitution par la Cour de céans suivant décision n°6-HCC/D3 du 5 avril 1995;

Considérant qu’aux termes de la loi n°2003-024 du 13 août 2003 relative aux élections communales, en son article 17 alinéa 4 et avant dernier alinéa, « …Les membres des Conseils ou les Maires, les Chefs de quartier avec leurs Adjoints respectifs, et qui se portent candidats à l’élection communale, ne doivent plus exercer leur fonction, sous peine de déchéance, au plus tard, la veille de l’ouverture de la campagne électorale.
Ils reprennent leur fonction le lendemain du jour du scrutin et continuent à l’exercer jusqu’à la date de la passation de service. » ;

Considérant ainsi que l’avant dernier alinéa de l’article 17 de la loi sus-visée ne concerne en aucun cas ni la possibilité de prorogation de la durée du mandat des Maires actuels ni la question d’éligibilité mais plutôt et surtout l’assurance de la continuité du service public avant la passation de service entre les Maires actuels et ceux nouvellement élus ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.– Les dispositions de l’article 45 de la Constitution s’appliquent au seul Président de la République et ne peuvent en aucun cas régler la situation des Maires actuels.

Article 2.– La fixation de la durée du mandat des Maires par la loi et ses textes d’application n’entre pas en violation des dispositions constitutionnelles sur l’égalité des citoyens en droit et sur la protection des libertés fondamentales.

Article 3.– La durée du mandat des Maires actuels étant de quatre ans renouvelable une fois, ils ne sont plus rééligibles après avoir accompli deux mandats successifs.

Article 4.– Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le vendredi vingt-six septembre l’an deux mil trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine , Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.