La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°1252/13/CENI-T en date du 12 juillet 2013, reçue au greffe le 15 juillet 2013, le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante pour la Transition (CENI-T) saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour lui demander son avis sur l’application des articles 2 et 3 de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la quatrième République, articles pris en application de l’alinéa 4 de l’article 47 de la Constitution en cas de report de la date du scrutin suite à la survenance de cas de force majeure ;

Considérant que le Président de la CENI-T sollicite l’avis de la haute juridiction sur l’obligation de respect ou non du délai de convocation des électeurs quatre vingt dix jours au moins avant la date du scrutin en cas de force majeure dûment constaté par la Cour Electorale Spéciale ;

EN LA FORME

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 119 de la Constitution : « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout chef d’institution et tout organe des collectivités territoriales décentralisées pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution » ;

Considérant que la saisine, introduite par un Chef d’Institution, est régulière en la forme et doit être déclarée recevable ;

AU FOND

Sur les faits :

Considérant que suite à l’adoption par l’Assemblée Générale de la CENI-T des dates des élections respectivement le 24 juillet 2013 pour l’élection présidentielle au premier tour, le 25 septembre 2013 pour l’élection présidentielle au second tour jumelée avec les élections législatives, le 23 octobre 2013 pour les élections simultanées des membres des conseils communaux et municipaux et des maires, le conseil des ministres a entériné ces dates par décret n°2013-115 du 6 mars 2013 en application des dispositions de l’article 6 de la loi n°2012-004 du 1er février 2012 fixant l’organisation, le fonctionnement et les attributions de la CENI-T ;

Considérant qu’alors le décret n°2013-163 a été pris en conseil de gouvernement afin de convoquer les électeurs pour l’élection du premier Président de la quatrième République et pour les premières élections des membres de l’Assemblée Nationale de la quatrième République respectivement le 24 juillet 2013 et le 25 septembre 2013 ;

Considérant que par la suite, par décision n°05-CES/D du 28 mai 2013, la Cour Electorale Spéciale a constaté la survenance de cas de force majeure, situation qui engendre le report à une nouvelle date de l’élection du premier Président de la quatrième République conformément aux dispositions de l’article 47, alinéa 4, de la Constitution et à celles de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2015 en son article 3 ;

Considérant dès lors qu’en application de la loi, le Gouvernement, par décret n°2013-426 du 13 juin 2013, a reporté la date du scrutin pour l’élection du premier Président de la quatrième République initialement entérinée par le décret n°2013-119 du 6 mars 2013 sus cité ;

Sur les conditions et les modalités du report de la date du scrutin selon les dispositions constitutionnelles et légales en vigueur :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 47 de la Constitution, en son alinéa 4 : « En cas de décès d’un candidat avant un tour du scrutin ou s’il survient un autre cas de force majeure dûment constaté par la Haute Cour Constitutionnelle, l’élection est reportée à une nouvelle date dans les conditions et selon les modalités qui seront définies par une loi organique » ;

Considérant dès l’abord qu’il échet de préciser qu’en période de transition, tel que prescrit par la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar et aussi par la loi n°2012-014 du 26 juillet 2012, la Cour Electorale Spéciale a été créée pour exercer les fonctions de la Haute Cour Constitutionnelle en matière électorale et ce, à titre exceptionnel et provisoire ;

Considérant que la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la quatrième République énonce en son article 3 que « Conformément aux dispositions de l’article 47 alinéa 4 de la Constitution, l’élection du premier Président de la quatrième République est reportée à une nouvelle date dans les conditions et modalités définies aux articles 3.1 à 3.4 ci-dessous, en cas de décès d’un candidat avant un tour du scrutin ou s’il survient un autre cas de force majeure dûment constaté par la Cour Electorale Spéciale » ;

Considérant qu’en application des articles 3.1 à 3.4 de la loi organique sus citée :
– Le Président de la Cour Electorale Spéciale notifie immédiatement le gouvernement de la décision constatant la survenance de cas de force majeure ;
– Le Gouvernement prendra dans les quarante-huit heures un décret pour le report de la date du scrutin ;
– Dans tous les cas, le décret de report sera publié dans les mêmes formes que le décret de convocation des électeurs prévues à l’article 2 de la loi organique ;

Considérant que l’article 2 de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 est libellé comme suit : « Le décret de convocation des électeurs pris en Conseil de Gouvernement est publié au journal officiel de la République quatre vingt-dix jours au moins avant la date du premier tour du scrutin et porté à la connaissance des électeurs par tous les moyens notamment par radiodiffusée et télévisée.
Il doit indiquer :
1- L’objet de la convocation des électeurs ;
2- Le jour du scrutin, l’heure à laquelle il doit être ouvert et l’heure à laquelle il doit être clos » ;

Sur l’applicabilité du délai prescrit à l’article 2 de la loi organique en cas de report de la date de l’élection suite à la survenance de cas de force majeure :

Considérant en premier lieu, que tel que rappelé par l’avis n°01-HCC/AV du 13 juin 2013 de la Haute Cour Constitutionnelle, en vertu du paragraphe 10-g de la Feuille de route, le calendrier électoral sera déterminé conjointement par la CENI-T et les représentants des Nations Unies, la CENI-T exerçant ses pleins pouvoirs dans la gestion du processus électoral ;

Que la détermination du calendrier électoral sus évoqué inclut la fixation de la date du report éventuel de l’élection présidentielle qui devra être entérinée par un décret pris en Conseil des ministres en application de l’article 6 de la loi n°2012-004 du 1er février 2012 ;

Considérant en second lieu que c’est le gouvernement qui est chargé de la convocation des électeurs par décret en se conformant aux conditions et modalités prescrites à l’article 2 de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 ;

Considérant que le décret n°2013-153 du 12 mars 2013 pris en conseil de gouvernement pour l’élection du premier Président de la quatrième République le 24 juillet 2013, a respecté le délai de convocation et a inscrit les indications requises par la loi organique suscitée ;

Considérant que l’article 2 de la loi organique susvisée requiert, d’une part, des formalités substantielles et, d’autre part, des conditions de forme attachées au décret de convocation des électeurs ;

Considérant que constituent des formalités substantielles la publication au journal officiel ainsi que la diffusion par tous les moyens du décret de convocation et ce, essentiellement dans le but d’informer les citoyens pour leur permettre d’exercer leur droit fondamental, l’omission de ces formalités pouvant engendrer une demande d’annulation de l’élection au cours du contentieux électoral ;

Considérant que l’indication de l’objet de la convocation des électeurs, du jour du scrutin, de l’heure de son ouverture et de sa clôture, rentrent dans les conditions de forme qui, en droit, s’attachent à la manifestation de la volonté du gouvernement qui est chargé de la mise en place des conditions nécessaires pour des élections crédibles, justes et transparentes aux termes du paragraphe 8 de la Feuille de route ;

Considérant que dans tous les cas, selon l’article 3.4, alinéa 3, de la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012, le décret de report sera publié dans les mêmes formes que le décret de convocation des électeurs ;

Considérant qu’au plan procédural, si la loi organique susvisée, en son article 2, a entendu donner un caractère impératif au délai de quatre vingt-dix jours au moins avant la date du scrutin pour la convocation initiale des électeurs, ce délai ne revêt qu’un caractère indicatif en cas de report de l’élection ;

Qu’en effet, la validité de la convocation initiale des électeurs ne se trouve pas entachée par le changement de la date de l’élection en tant que le changement ou le report de la date ne peut annihiler le droit fondamental des électeurs ;

En conséquence,
Emet l’avis que:

Article premier.- La Commission Electorale Nationale Indépendante pour la Transition, en collaboration avec les experts internationaux des Nations Unies, est chargée de la fixation de la date de report de l’élection du premier Président de la quatrième République.

Article 2.- En cas de report de la date de l’élection pour cas de force majeure dûment constaté par la Cour Electorale Spéciale, le délai de quatre vingt-dix jours au moins pour la convocation des électeurs avant la date du scrutin, revêt un caractère indicatif et le décret pris en conseil de gouvernement y afférent peut y déroger.

Article 3.- Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi dix-sept juillet l’an deux mil treize à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
M RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.