La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’Ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Vu les principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations unies (adoptés le 29 janvier 2014, 68e session) ;
Vu le Code pénal et le Code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 2014 – 038 sur la protection des données à caractère personnel ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

1. Considérant que par lettre n° 053/PRM/SG/DEJ-18 en date du 21 mars 2018, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2018-004 relative à l’organisation et à la règlementation des activités statistiques, préalablement à sa promulgation, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa premier de la Constitution ;

2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle«… statue sur la conformité à la Constitution et des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes… »; que d’après l’article 117 de la même Constitution, «Avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution… » ;

3. Considérant que la loi n°2018-004 a été adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale en leurs séances respectives du 2 et du 12 mars 2018;

4. Considérant qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite par le Président de la République est ainsi régulière et recevable ;

AU FOND

5. Considérant que la loi soumise au contrôle de constitutionnalité instaure une réforme du système statistique et s’inscrit dans la mise en œuvre de la stratégie nationale pour le développement de la Statistique ; que ce nouveau cadre juridique et organisationnel du système statistique voudrait mettre en place un système performant, capable de fournir à temps des statistiques fiables et complètes et permettant ainsi le suivi- évaluation des projets de développement aux niveaux national et régional ;

6. Considérant que la Loi fondamentale dispose en son article 95/II°5 que « Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, (…) la loi détermine les principes généraux (…) de l’organisation ou du fonctionnement de différents secteurs d’activité́ juridique, économique, sociale et culturelle »; qu’ainsi, la loi déférée relève du domaine de la loi et doit être soumise au contrôle de constitutionnalité ;

7.Considérant que le Pacte international relatif aux droits civils et politique dispose en son article 17 que :
« 1. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. Toute personne a droit a la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » ;

8. Considérant que la collecte de données est l’étape préalable indispensable à la production de statistiques publiques ; que les données collectées peuvent faire partie de la catégorie juridique des « données à caractère personnel » ; que la protection de ces dernières relève du droit au respect de la vie privée, un droit de l’homme, un droit fondamental reconnu par l’article 17 précité du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

9. Considérant que les dispositions de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité, notamment les principes fondamentaux de la statistique (Titre II de la présente loi), reprennent les principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations unies (adoptés le 29 janvier 2014, 68e session) ;

10. Considérant que les dispositions de l’article 12 de la loi déférée garantissant l’égal accès aux statistiques publiques à tous les utilisateurs, sans autre restriction que le respect du secret statistique, respectent le principe de l’égalité en droit de tous les individus, prévu par l’article 6 de la Constitution et le droit à l’information posé par l’article 11 alinéa premier de la Loi fondamentale ;

11. Considérant que l’article 15 de la loi n°2018-004 soumise au contrôle dispose que « les autorités statistiques rectifient les publications des résultats erronés en utilisant les pratiques standards, ou, dans les cas les plus graves, suspendent la diffusion, en portant clairement connaissance des utilisateurs les raisons de ces rectifications ou de ces suspensions » ; que l’article 21 de la même loi considère l’exactitude et la fiabilité des données comme critères de la qualité des statistiques ; qu’en vertu du respect des droits des personnes, les personnes dont les données personnelles sont utilisées dans un traitement statistique, ont un droit d’information, d’accès, de rectification, de suppression et d’opposition/amendement sur leurs données ;

12. Considérant que l’article 23 de la loi déférée dispose que « les statistiques publiques sont conservées sous une forme détaillée afin d’en garantir l’utilisation par les générations futures, tout en préservant les principes de confidentialité et de protection des répondants » ; que, cependant, en matière de protection des données personnelles, ces dernières ne peuvent être conservées de façon indéfinie ; que, dans la mise en œuvre de l’article 23, une durée de conservation précise doit être fixée par voie réglementaire en fonction de la finalité du traitement ;

13.Considérant que l’article 35 de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité, prévoit que « Toute enquête par sondage, recensement ou étude statistique ou socio-économique nécessitant la collecte de données individuelles, (…) requiert l’obtention du visa statistique du Conseil National de la Statistique avant son exécution » ; que le dit visa statistique devrait également assurer des droits de la personne concernée et la protection des données personnelles recueillies, conformément aux dispositions de la loi N° 2014 – 038 sur la protection des données à caractère personnel et préconiser des mesures d’application strictes afin d’éviter les abus et atteintes aux droits fondamentaux en matière de collecte des données personnelles ; que les données ne devraient être recueillies et traitées que pour un usage déterminé et légitime préalablement déterminé ; que tout détournement de finalité devrait être passible de sanctions pénales ;

14. Considérant que la loi déférée dispose en son article 65 : « sans préjudice des poursuites pénales, le Conseil National de la Statistique peut prononcer l’une des sanctions administratives ci-dessous en cas de manquement aux obligations inhérentes à la présente loi (…) sanction pécuniaire. (…)Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie règlementaire […] » ; qu’il convient de préciser que les sanctions pécuniaires doivent être recouvrées comme des créances de l’Etat et que la nature ou l’affectation de ces ressources sont appréciées conformément aux dispositions de la loi organique n° 2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances;

15. Considérant que, sous les réserves énoncées aux Considérants 11,12, 13 et 14, les dispositions de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE,
DECIDE :

Article premier.– Sous les réserves énoncées aux Considérants 11, 12, 13 et 14, les dispositions de la loi n°2018-004 relative à l’organisation et à la réglementation des activités statistiques, sont déclarées conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2. – La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi onze avril deux mille dix-huit à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef