La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2000-014 du 24 août 2000 portant code électoral ;
Vu le décret n°2007-150 du 19 février 2007 portant convocation des électeurs pour le référendum du 4 avril 2007 relatif à la révision de la Constitution ;
Vu le décret n°2007-176 du 27 février 2007 arrêtant le texte du projet de révision de la Constitution et le texte de la question à poser aux électeurs dans le cadre du référendum du 4 avril 2007 ;
Vu le décret n°2007-212 du 6 mars 2007 déterminant les sièges des commissions de recensement matériel des votes pour le référendum du 4 avril 2007 relatif à la révision de la Constitution ;
Vu le décret n°2007-214 du 6 mars 2007 fixant les conditions d’application de la loi organique n°2000-014 du 24 août 2000 portant code électoral dans le cadre du référendum du 4 avril 2007 relatif à la révision de la Constitution ;
Vu les arrêtés des Délégués Généraux du Gouvernement fixant la liste et l’emplacement des bureaux de vote ;
Vu l’arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice nommant les magistrats présidents des commissions de recensement matériel des votes ;
Vu les documents électoraux et procès-verbaux émanant des commissions de recensement matériel des votes ;
Ouï Mesdames et Messieurs les Hauts Conseillers Constitutionnels en leurs rapports respectifs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle :

Considérant qu’il ressort de l’application combinée des dispositions de l’article 118 de la Constitution et de celles de l’article 116 du code électoral que la Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour statuer sur le contentieux du référendum qu’elle juge en premier et dernier ressort ;

Considérant que conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 109 du code électoral, la Haute Cour Constitutionnelle proclame les résultats de la consultation référendaire dans les vingt jours qui suivent la réception du dernier pli fermé émanant des commissions de recensement matériel des votes ;

Que ce dernier pli, en provenance de la commission de recensement matériel des votes de Tsaratanàna étant parvenu au siège de la juridiction le 16 avril 2007, la proclamation effectuée ce jour rentre bien dans le délai prescrit ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 36 du décret n°2007-214 du 6 mars 2007 fixant les conditions d’application de la loi organique n°2000-014 du 24 août 2000 portant code électoral dans le cadre du référendum du 4 avril 2007 relatif à la révision de la Constitution : « la proclamation officielle des résultats du référendum est effectuée en audience solennelle publique, nonobstant les recours contentieux non vidés par la Haute Cour Constitutionnelle dans un délai maximum de vingt jours à compter de la réception du dernier pli fermé provenant des commissions de recensement matériel des votes » ;

Considérant par ailleurs qu’en application des prescriptions de l’article 117 du code électoral, les requêtes peuvent être introduites auprès de la juridiction constitutionnelle aux fins de réclamations et contestations portant sur la régularité des opérations de campagne ou de vote, de contestations des résultats de vote ou de dénonciation de l’inobservation des conditions légalement prescrites, dans un délai de vingt jours franc après la clôture du scrutin ;

Que le délai d’introduction des requêtes a expiré le 24 avril 2007 ;

Sur la révision de la Constitution :

Considérant qu’une révision de la Constitution consiste à corriger le texte par suppression, adjonction ou modification ; que cependant, dans l’esprit du constituant, cette compétence ne saurait être qu’un pouvoir constituant dérivé et non originaire ;

Considérant que la révision de la Constitution obéit à des règles précises relatives tant à la procédure de la révision qu’aux limitations tenant à l’objet de la révision ;

Qu’ en effet, d’une part, les dispositions des articles 140 et 142 de la Constitution confèrent au Président de la République le droit de soumettre, en Conseil des Ministres, la révision de la Constitution à référendum ;

Que, d’autre part, aux termes des dispositions des articles 140 et 143 de la Constitution, le projet de révision ne saurait avoir pour objet de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ni à la forme républicaine de l’Etat;

Que dans le présent cas, la révision constitutionnelle ne rentre pas en violation des prescriptions énoncées dans les articles précités ;

Considérant que par ailleurs, il importe de distinguer une élection présidentielle d’un référendum ;

Qu’il est à noter, d’une part, que l’élection présidentielle est un mode de votation qui consiste à choisir une personnalité parmi d’autres candidats pour exercer les fonctions de Chef de l’Etat ;

Que, d’autre part, le référendum constitue un procédé établissant un dialogue sans intermédiaire entre le Président de la République en exercice et les citoyens, dialogue permettant au premier de demander aux seconds de lui accorder constitutionnellement les moyens de sa politique ;

Qu’ainsi, le référendum est un mode de votation pris en application de l’article 6 de la Constitution aux termes duquel « … La souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir, qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par la voie du référendum… » ;

Considérant qu’à la lecture des dispositions constitutionnelles et légales en vigueur, le vote constitue un droit et une liberté pour les citoyens qui, dès lors, sont libres de voter ou de s’abstenir ;

Que l’ordonnancement juridique en vigueur n’impose aucun suffrage bloquant pour la validation de la consultation référendaire ;

Que la Haute Cour Constitutionnelle est ainsi tenue de constater les résultats issus des urnes et de prendre acte du vote émis par la majorité des électeurs ;

Sur la convocation des électeurs :

Considérant que l’objet du décret n°2007-150 du 19 février 2007 pris en Conseil des Ministres, en application de l’article 140 de la Constitution ainsi que de l’article 29 du code électoral, est bien de convoquer les électeurs en vue d’une consultation référendaire, aux fins de se prononcer sur un projet de révision de la Constitution et une question importante à caractère national ;

Considérant que ni la Constitution ni le code électoral ni d’autres textes spécifiques n’ont fixé un délai précis entre la date de la prise de décision de révision de la Constitution et le jour du scrutin ;

Considérant en effet que tel que prescrit par l’article 29 du code électoral, un délai de quatre vingt-dix jours au moins doit être respecté avant la date du scrutin pour la convocation des électeurs mais que ce délai n’est pas exigé en matière de consultation référendaire ;

Considérant que l’article 29, en son alinéa 2, du code électoral a seulement énoncé : « En matière de consultation référendaire, le collège électoral convoqué par décret du Président de la République pris en Conseil des Ministres est appelé à se prononcer sur un projet de révision de la Constitution ou une question importante à caractère national » ;

Considérant que le décret n°2007-150 du 19 février 2007 portant convocation des électeurs pour le référendum du 4 avril 2007 ne rentre pas en violation des dispositions constitutionnelles et légales ;

Sur l’annulation des voix exprimées :

Considérant que dans l’exercice de ses attributions de contrôle systématique de régularité, la juridiction de céans a procédé à l’annulation des voix dans des bureaux de vote pour non respect des formalités substantielles ;

Qu’ainsi, 551 voix ont été annulées respectivement dans les districts de Farafangana et de Betioky Atsimo (inexistence de liste électorale, non signature de feuille de dépouillement), d’Ihosy, de Befandriana Avaratra et de Beloha Androy ( documents inexploitables) ;

Sur la carence de certains bureaux de vote :

Considérant qu’il résulte des procès-verbaux des commissions de recensement matériel des votes que les opérations électorales n’ont pu avoir lieu dans 40 bureaux de vote pour des cas de force majeure;

Considérant toutefois que l’absence d’opérations électorales ou l’absence de résultats de quelques bureaux de vote ne saurait être susceptible d’annihiler l’expression de la volonté de la majorité des électeurs ;

Sur le contentieux électoral :

Considérant que six requêtes ont été enregistrées au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle et émanant des districts de Sakaraha, Toamasina I et Amboasary Atsimo ;

Considérant qu’a été déclarée fondée la requête relative aux contestations des résultats dans le bureau de vote n°530 503 025 d’Ankirihiry Nord II à Toamasina I ; qu’en effet, une erreur de transcription des voix a pu être constatée et que la Cour de céans a procédé au rétablissement de la vérité des urnes ;

Qu’il en est de même pour le cas de contestation des résultats dans le bureau de vote n°530 505 032 de Tanambao V – parcelle 13/81 Toamasina I et ce, après enquête et audition des membres de ce bureau ;

Considérant que les quatre autres requêtes ont été rejetées pour non production de preuves à l’appui des moyens invoqués ;

Considérant que par lettres toutes datées du 19 avril 2007, « Justice et Paix », organisation non gouvernementale chargée de l’observation des élections, a adressé à la Haute Cour Constitutionnelle les remarques suivantes émanant de ses représentants dans différentes circonscriptions :

-interversion des voix constatée dans le district de Toliara II au bureau de vote n°630913008 ;
-anomalie relative à la confection des listes électorales, des citoyens en possession de cartes électorales n’ayant pas pu voter, dans le district d’Ambositra ;
-suspension du scrutin à midi pendant quelques minutes dans le bureau de vote n°510518013 à Moramanga, le président et le secrétaire ayant quitté le bureau de vote pour aller déjeuner ;
-propagande faite par des fonctionnaires dans le district de Mananjary et dans le district de Moramanga ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 117, alinéa 3, du code électoral, « Tout observateur national jouit du même droit de réclamation, de contestation et de dénonciation reconnu aux électeurs et aux candidats ou délégués de candidats… » ;

Considérant que « Justice et Paix », en sa qualité d’organisation non gouvernementale régulièrement constituée, a été agréée pour observer les élections et, à ce titre, a le droit de consigner ses observations dans le procès-verbal du bureau de vote mis en cause, d’obtenir une copie dudit procès-verbal et d’introduire un recours en bonne et due forme auprès de la Haute Cour Constitutionnelle ;

Considérant que les lettres adressées par « Justice et Paix » non seulement ne sont pas accompagnées de pièces à l’appui mais encore ne répondent pas aux conditions prescrites par l’article 119 du code électoral relatives à la requête ;

Qu’en effet, selon les dispositions de l’article susvisé, le requérant doit exposer les moyens et arguments d’annulation invoqués et produire toutes pièces nécessaires au soutien des moyens invoqués et que la requête doit tendre vers une demande de rectification, de réformation ou d’annulation des résultats ;

Considérant dès lors que les six lettres présentées par « Justice et Paix » ne pouvant être assimilées à des requêtes régulières, les faits y rapportés sont seulement considérées à titre d’information ;

Considérant toutefois que les faits invoqués ont interpellé la Cour de céans ; que celle-ci a jugé utile de procéder aux vérifications nécessaires, pour une bonne administration de la justice électorale et par souci de transparence ;

Qu’il est à préciser que, pour soutenir une interversion des voix obtenues ou la survenance d’irrégularités pendant le scrutin à l’intérieur du bureau de vote, le mode de preuve principalement admis est constitué par le procès-verbal des opérations électorales ;

Considérant que lors des vérifications effectuées, l’interversion de voix signalée n’est pas confirmée par les transcriptions figurant dans le procès-verbal ;

Quel tel est le cas pour le bureau de vote n°630 913 008 dans le district de Toliara II concernant l’interversion des voix, et du cas du bureau de vote n°510 518 013 à Moramanga concernant la suspension des opérations de vote à midi pour quelques minutes et pour lequel aucune preuve n’a été apportée sur le fait que cette suspension existait ou qu’elle aurait pu avoir une réelle incidence sur les résultats du vote ;

Considérant en outre que la Constitution a accordé au Président de la République le pouvoir de décider en Conseil des Ministres la révision de la Constitution ;

Considérant que cette habilitation constitutionnelle a comme conséquence essentielle le devoir pour les agents de l’Etat d’éclairer l’opinion publique sur les nouvelles orientations apportées par la révision de la Constitution ;

Considérant enfin que les irrégularités relatives aux listes électorales ne rentrent pas dans la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle ;

Qu’en effet, l’établissement de la liste électorale requiert la mobilisation du civisme de tout un chacun en ce sens que le code électoral a largement permis aux citoyens, candidats, organisations chargées de l’observation des élections, de s’impliquer dans la surveillance de la confection des listes électorales ;

Considérant que par lettre en date du 5 avril 2007, le comité de soutien du « Non » dans le district d’Amboasary Atsimo informe la Cour de céans sur une interversion des voix dans le bureau de vote n°620 101 012 ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction du dossier que les assesseurs cités à témoins, qui ont régulièrement signé le procès-verbal des opérations électorales, n’ont rien signalé dans le procès-verbal et n’ont produit aucune copie du procès-verbal prouvant le contraire ;

Que les fais rapportés dans lettre sus visée doivent être considérés comme de simples allégations ;

Par ces motifs,
La Haute Cour Constitutionnelle
a r r ê t e :

Article premier.– Sont annulés les votes émis par 551 électeurs pour violation des prescriptions de la loi.

Article 2.- Est constatée la carence d’opérations électorales dans 40 bureaux de vote dont la liste figure en annexe.

Article 3.- Déclare fondées les requêtes introduites par sieur RAKOTOMALALA Dieudonné dans le bureau de vote n°530 503 025 à Ankirihiry Nord II Toamasina I et celle de dame HONORINE dans le bureau de vote n°530505032 de Tanambao V – parcelle 13/81 Toamasina I et rétablit les résultats dans les bureaux de vote concernés.

Article 4.- Rejette les autres requêtes comme non fondées.

Article 5.- Sont proclamés, comme suit, les résultats de la consultation référendaire du 4 avril 2007 sur la question : « Ekenao ve ity volavolam-panitsiana ny Lalàmpanorenana ity ho fampandrosoana haingana sy maharitra ny isam-paritra hanatsarana ny fari-piainan’ny Malagasy ? » :

Electeurs inscrits : 7 381 091
Votants : 3 224 088
Blancs et nuls : 66 346
Suffrages exprimés : 3 157 742
O U I : 2 378 650 (75,33%)
N O N : 779 092 (24,67%)

Article 6.-Est adoptée en conséquence la révision de la Constitution , telle qu’elle figure en annexe du présent arrêt.

Article 7.- Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en son siège à Antananarivo, pour être proclamé en audience publique solennelle le vendredi 27 avril 2007 à 10 heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller-Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA – FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.