REPOBLIKAN’I MADAGASIKARA
Fitiavana – Tanindrazana – Fandrosoana
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HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE

Décision n°01-HCC/D2 du 11 février 2021 relative à une exception d’inconstitutionnalité soulevée par la société PRE MADAGASCAR

La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution,

Vu l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi n°2008-014 du 23 juillet 2008 sur le domaine privé de l’Etat, des Collectivités Territoriales Décentralisées et les personnes morales de droit public ;

Vu le décret n°2010-233 du 20 avril 2010 fixant les modalités d’application de la loi n°2008-014 du 23 juillet 2008 sur le domaine privé de l’Etat, des Collectivités Territoriales Décentralisées et des personnes morales de droit public;

Vu la décision n°01-HCC/D2 du 17 juillet 2019 relative à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par François Roberto MAHAGAGA et consorts ;

Vu les observations produites par la requérante représentée par Maître Alain RAONDRY, Avocat au barreau de Madagascar ;

Vu les observations produites dans le mémoire en défense de la Direction de la Législation et du Contentieux ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la Loi :

 

EN LA FORME :

  1. Considérant que par lettre du 15 janvier 2021, en exécution du jugement civil avant dire droit n°3037 du 12 octobre 2020 du Tribunal de première instance d’Antananarivo, le Président dudit Tribunal saisit la Haute Cour Constitutionnelle de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la société PRE MADAGASCAR SARL ;
  2. Considérant que selon l’article 118 alinéa 2 de la Constitution, « Si, devant une juridiction, une partie soulève une exception d’inconstitutionnalité, cette juridiction sursoit à statuer et saisit la Haute Cour Constitutionnelle » ; que l’alinéa 3 du même article ajoute que « De même, si devant une juridiction, une partie soutient qu’une disposition de texte législatif ou réglementaire porte atteinte à ses droits fondamentaux reconnus par la Constitution, cette juridiction sursoit à statuer dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent» ;
  3. Considérant qu’ayant respecté les dispositions constitutionnelles relatives à l’exception d‘inconstitutionnalité, la saisine introduite par le Président du Tribunal de première instance d’Antananarivo, sur requête de la société PRE MADAGASCAR SARL, est régulière et recevable ;

 

AU FOND :

  1. Considérant que l’article 34 de la Constitution dispose que « L’Etat assure la facilité d’accès à la propriété foncière à travers des dispositifs juridiques et constitutionnels appropriés et d’une gestion transparente des informations foncières» ; que l’article 64, dernier alinéa, du décret n°2010-233 fixant les modalités d’application de la loi n°2008-014 sur le domaine privé l’Etat, des collectivités Territoriales Décentralisées et des personnes morales de droit public, dispose que « Dans tous les cas, aucun droit de recours ne peut être exercé, les conditions de mise en valeur ayant été déjà prévues dans le cahier des charges et l’acte de cession » 
  2. Considérant que conformément à la décision n°01-HCC/D2 du 17 juillet 2019 relative à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par François Roberto MAHAGAGA et consorts, un texte réglementaire doit apporter des informations nécessaires à la compréhension de l’application de la loi ; que les dispositions de la loi n°2008-014 ne limitent aucunement le droit au recours devant la juridiction compétente ;
  1. Que s’il est indéniable que l’opportunité de la cession de terre appartient exclusivement à l’administration, il demeure toutefois que le traitement des demandes de bail emphytéotique de terrain du domaine privé de l’Etat doit respecter le principe de l’égalité de tous devant la loi, traduit par le respect du principe d’antériorité et de disponibilité du terrain ;
  2. Considérant que l’inexistence de la faculté de recours édictée par l’article 64 dernier alinéa du décret n°2010-233 ne permet pas de vérifier si le principe d’antériorité et le principe de disponibilité du terrain ont été respectés ; que la possibilité du recours constitue un moyen incontournable de vérification a posteriori du respect de ces deux principes ; qu’elle constitue de ce fait une application du principe d’égalité de tous devant la loi et du droit à une protection égalitaire devant la loi ;

 

  1. Que le dernier alinéa de l’article 64 du décret n°2010-233 ne reflète pas le sens des dispositions de la loi n°2008-014 et ne respecte pas le principe universel et constitutionnel d’égalité devant la loi ; qu’en conséquence, il est inconstitutionnel ;

 

Concernant les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité

 

  1. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 118 de la Constitution, « Une disposition déclarée inconstitutionnelle cesse de plein droit d’être en vigueur»; que la déclaration d’inconstitutionnalité du dernier alinéa de l’article 64 du décret n°2010-233 prend donc effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ;

 

EN CONSEQUENCE,

DECIDE :

Article premier. – Le dernier alinéa de l’article 64 du décret n°2010-233 du 20 avril 2010 fixant les modalités d’application de la loi n°2008-014 du 23 juillet 2008 sur le domaine privé de l’Etat, des Collectivités Territoriales Décentralisées et des personnes morales de droit public, est contraire à la Constitution

Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article premier ci-dessus prend effet à compter de la publication de la présente décision.

Article 3.- La présente décision sera notifiée à la Présidente du Tribunal de première instance d’Antananarivo, à la requérante, à la Direction de la Législation et du Contentieux, au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le onze février l’an deux mille vingt-et-un à quinze heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.