La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 modifiée par l’ordonnance n°2019-002 du 15 mai 2019 relative au régime général des élections et des référendums ;
Vu la loi organique n° 2015-007 du 03 mars 2015 modifiée par l’ordonnance n° 2019-006 du 28 mai 2019, modifiée et complétée par la loi organique n° 2025-009 du 20 août 2025, fixant les règles relatives au fonctionnement du Sénat, ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
Vu la loi n°2015-020 du 19 octobre 2020 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des opérations électorales dénommée « Commission Électorale Nationale Indépendante » ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
- Considérant que par lettre n° 1521-25/CENI/SE/DEAJ du 26 août 2025, reçue et enregistrée le même jour au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle, le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a saisi la Haute Cour de céans, aux fins de demande d’avis sur la proposition de la date des prochaines élections sénatoriales ;
- Considérant que l’article 116-4° de la Constitution dispose que « Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique : statue sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République et des élections des députés et des sénateurs» ; que l’article 52 de la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums prévoit que « Le scrutin doit se tenir durant la saison sèche de l’année entre le 31 mai et le 30 novembre , sauf cas de force majeure prononcée par la juridiction compétente sur saisine de la Commission Électorale Nationale Indépendante» ;
- Considérant par ailleurs que l’article 43 de la loi n°2015-020 relative à la CENI prévoit que « Dans la mise en œuvre de ses attributions, la CENI est investie (…) d’un pouvoir de saisine des juridictions compétentes» ; que l’article 51 de la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums énonce que : « Les collèges électoraux sont convoqués quatre-vingt-dix jours au moins avant la date du scrutin par décret pris en Conseil de Gouvernement, après consultation du projet de calendrier électoral présenté par la Commission Electorale Nationale Indépendante pour tout mandat qui arrive à son terme.» ;
- Considérant que conformément aux dispositions de l’article 51 de la loi organique susmentionnée, la compétence de proposer les calendriers pour la tenue des élections sénatoriales revient à la Commission Electorale Nationale Indépendante ; et qu’au sens de l’article 43, 4ème et dernier tiret de la loi sur la CENI, la Haute Cour Constitutionnelle est la juridiction compétente pour les élections sénatoriales; que ladite structure peut lui demander la constitutionnalité des propositions de dates pour l’organisation de l’élection des membres du Sénat ; que lesdites propositions constituant une étape dans le processus électoral, revêtent clairement un caractère électoral et relèvent de la compétence de la Haute juridiction de céans ; que la demande d’avis déposée par le Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante est ainsi recevable ;
AU FOND
- Considérant que l’article 52 de la loi organique n° 2018-008 du 11 mai 2018 dispose que : « Le scrutin doit se tenir durant la saison sèche de l’année, entre le 31 mai et le 30 novembre, sauf cas de force majeure prononcée par la juridiction compétente sur saisine de la Commission Electorale Nationale Indépendante» ; que l’article 53 de la même loi organique ajoute que : « Le scrutin se rapportant à tout mandat arrivant à terme se tient dans le respect de la date de l’échéance de celui-ci, indépendamment de la saison, sous réserve des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 51 » ;
- Considérant que la Commission Electorale Nationale Indépendante, structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion de toutes les opérations électorales, sollicite l’avis de la Haute Cour de céans sur la question de la régularité et la conformité de la proposition de date du scrutin des élections sénatoriales qui se tiendra le 11 décembre 2025 en dehors de la saison sèche ;
- Considérant d’une part, que l’article 80 de la Constitution dispose que « Les membres du Sénat portent le titre de Sénateur de Madagascar. Leur mandat est de cinq ans […] » ; que l’article 81 de la Constitution ajoute que « Le Sénat (…) comprend pour deux tiers, des membres élus en nombre égal pour chaque Province, et pour un tiers, des membres nommés par le Président de la République (…). » ; que par décret n°2021-060 du 18 janvier 2021, le Président de la République a nommé le tiers des membres du Sénat, conformément aux dispositions constitutionnelles sus citées ; que de ce fait, le mandat des Sénateurs est effectif à partir de la date dudit décret ; que leur mandat doit se terminer le 18 janvier 2026 ;
- Considérant, d’autre part que la jurisprudence de la Haute Cour de céans, sur la théorie de la représentation, a souligné que : « la périodicité des élections est un principe constitutionnel, que la durée des mandats parlementaires est consubstantielle à la notion de représentation ; que la théorie de représentation impose une limite temporelle au mandat représentatif ; que l’élu n’est en aucune façon propriétaire de son mandat dont il n’est que le dépositaire temporaire ; qu’à son terme normal, le mandat est remis en jeu par l’organisation de nouvelles élections ; que la non prorogation d’un mandat parlementaire est un principe fondamental de la démocratie représentative ; que dans la pratique démocratique, un mandat parlementaire ne peut être prorogé qu’en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection.» ; qu’en vertu du principe de l’intangibilité du mandat, la validité et la durée du mandat des Sénateurs doivent être de cinq années effectives ;
- Considérant qu’en tenant compte de la théorie du mandat, le principe de l’intangibilité du mandat, principe à valeur constitutionnelle, prime sur les dispositions législatives à propos de la théorie des climats ; que dans le cas d’espèce, la tenue des élections sénatoriales qui se tiendra en date du 11 décembre 2025, date à laquelle la saison de pluie commence déjà, ne constitue pas un obstacle majeur à l’exercice du droit de vote des grands électeurs ; que par ailleurs, la Haute Cour de céans, par décision n°15-HCC/D3 du 03 mai 2018 portant sur la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums, a émis une réserve d’interprétation dans le sens que la tenue d’une élection pendant la saison sèche ne peut être qu’une option préférentielle pour être conforme à la Constitution ; qu’en tout état de cause, l’article 53 de la loi organique sus citée prévoit que « Le scrutin se rapportant à tout mandat arrivant à terme se tient dans le respect de la date de l’échéance de celui-ci, indépendamment de la saison(…) » ;
- Considérant, de tout ce qui précède, que la proposition de la date du 11 décembre 2025 pour la tenue des élections sénatoriales, ne rentre pas en contradiction avec les dispositions constitutionnelles ; qu’ainsi, ladite proposition n’est pas contraire à la Constitution ;
En conséquence
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :
Article premier. – La demande d’avis du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante est recevable.
Article 2.- Les prochaines élections sénatoriales peuvent se tenir le 11 décembre 2025, conformément au calendrier proposé par la CENI.
Article 3.-Le présent avis sera notifié au Président de la République, au Premier Ministre Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat et au Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi trois septembre l’an deux mille vingt-cinq à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller Doyen– Président
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;
Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.
