La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la Délibération n°02-HCC/DB du 17 septembre 2021 portant Règlement Intérieur de la Haute Cour Constitutionnelle, modifiée et complétée par la Délibération n°03-HCC/DB du 28 octobre 2021 ;

Vu la requête produite ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

1.Considérant que par lettre en date du 12 octobre 2025, reçue et enregistrée au greffe  de la Haute Cour de céans le 13 octobre 2025, Monsieur Siteny RANDRIANASOLONIAIKO, Vice Président à l’Assemblée Nationale, a saisi la Haute Cour Constitutionnelle, aux fins de  «  se prononcer sur une résolution sur la sortie de crise institutionnelle et politique actuelle. » ;

Qu’au soutien de sa demande, le requérant, expose que : « Le 12 octobre l’an 2025, Sieur RANDRIANASOLONIAIKO Siteny, Vice Président de l’Assemblée Nationale a saisi la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de se prononcer sur une résolution de sortie de crise institutionnelle et politique.

En effet, dans sa lettre adressée au Président ainsi qu’aux membres de la Haute Cour Constitutionnelle, Sieur RANDRIANASOLONIAIKO Siteny, Vice Président de l’Assemblée Nationale, dénonce les violations répétées de la Constitution notamment la non-jouissance par les citoyens des droits fondamentaux, l’absence de liberté d’expression, la corruption et surtout le dysfonctionnement de l’Etat.

Il dénonce également les actes de répressions faites par les forces de l’ordre à l’encontre des manifestants depuis le 25 septembre 2025 jusqu’au samedi 11 octobre 2025, date à laquelle, les militaires du CAPSAT Soanierana, ont déclaré refuser les ordres du commandement et se rallier aux manifestants pour rejoindre la place du 13 mai.

Le 12 octobre 2025, la Gendarmerie, ainsi que les personnels pénitenciers ont également déclaré ne plus recevoir d’ordres que de la part de la FIGN et du Directeur en charge de la Direction Pénitentiaire.

Face donc à une absence flagrante des pouvoirs de l’Etat, et considérant que le principe de continuité de l’Etat constitue un principe à valeur constitutionnelle, deux commandements parallèles devraient être mise en place pour les services essentielles de sécurité, l’un par le Gouvernement, l’autre, par le CAPSAT. » ;

Qu’en tant que Vice Président de l’Assemblée Nationale et soucieux de préserver l’ordre constitutionnel et continuité de l’Etat, est recevable de saisir la Haute Cour Constitutionnelle ;

  1. Considérant que la Haute Cour de céans, entend mettre en œuvre son pouvoir de régulation des institutions de l’Etat, qu’il n’y a pas lieu pour elle de statuer sur la recevabilité de la requête ;

3.Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 52 de la Constitution, « Par suite de démission, d’abandon du pouvoir sous quelque forme que ce soit, de décès, d’empêchement définitif ou de déchéance prononcée, la vacance de la Présidence de la République est constatée par la Haute Cour Constitutionnelle.

 

Dès la constatation de la vacance de la présidence, les fonctions du Chef de l’Etat sont

exercées par le Président du Sénat.

En cas d’empêchement du Président du Sénat constaté par la Haute Cour Constitutionnelle, les fonctions de Chef de l’Etat sont exercées collégialement par le Gouvernement. » ;

Que dans le but qu’il ne soit pas porté atteinte aux missions confiées au Président de la République par l’article 45 alinéa 2 de la Constitution, notamment le fonctionnement régulier et continu des pouvoirs publics et l’unité nationale, le constituant a institué cette règle de suppléance ;

4.Considérant qu’il ressort de l’instruction et des pièces du dossier que le Président de la République Andry RAJOELINA n’est pas à même de remplir les missions sus rappelées à lui confiées, au motif qu’il ne se trouve et ne saurait se trouver sur le territoire de la République ; que dans ces conditions, le Président de la République Andry RAJOELINA tombe sous le coup d’abandon passif du pouvoir ; qu’il y a lieu ainsi pour la Haute Cour de céans, de constater que le poste de Président de la République de Madagascar est vacant ;

  1. Considérant que pour le cas du Président du Sénat, suite à la motion de destitution dont il faisait l’objet, tel que l’établit le procès-verbal de réunion en date du 12 octobre 2025, son poste est effectivement vacant ;
  2. Considérant qu’il appartient au Gouvernement dans le style collégial, d’exercer les fonctions de Chef de l’Etat en cas d’impossibilité pour le Président du Sénat ; que le Gouvernement doit être, à son tour, en mesure de le faire ;

Qu’eu égard, cependant, aux circonstances qui  empêchent l’exercice normal et effectif de ses propres pouvoirs par le Gouvernement, celui-ci se trouve également dans l’impossibilité de remplir l’obligation de faire fonctionner la vie de la nation tel que le prévoit la Constitution ;

  1. Considérant que compte tenu de toutes les situations relatées ci-dessus, la voie de suppléance inscrite dans les attributions normales des autorités civiles est épuisée ;
  2. Considérant que de telle vacuité au sommet de l’Etat qui porte atteinte de manière caractérisée sur les objectifs et exigences de valeur constitutionnelle qui constituent le fondement des missions du Président de la République, ne saurait perdurer ; qu’il s’ensuit qu’il est de l’obligation pour l’autorité qui pourrait faire face à cette situation avec efficacité et effectivité, d’exercer les fonctions de Président de la République ;

Que cette autorité ne saurait être que militaire, incarnée par le Colonel RANDRIANIRINA Michaël ; qu’il lui revient la charge, sous le contrôle de la Haute Cour de céans, de prendre toutes les mesures rendues strictement nécessaires et inextricables par les circonstances et ce, dans des champs d’application et délai très limités ;

  1. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 53 premier alinéa de la Constitution, « Après la constatation par la Haute Cour Constitutionnelle de la vacance de la Présidence de la République, il est procédé à l’élection d’un nouveau Président de la République dans un délai de 30 jours au moins et 60 jours au plus, conformément aux dispositions des articles 46 et 47 de la Constitution. » ;

 

Que de ces dispositions, le constituant n’entend pas permettre confier de manière prolongée les attributions du Président de la République aux autorités  qui n’en sont pas les titulaires de droit commun ;

Qu’une invitation est par conséquent faite à l’autorité compétente spécifiée plus  haut pour organiser  les élections dans les soixante (60) jours qui suivent la notification de la présente décision ;

  1. Considérant que selon le deuxième alinéa de l’article 53 de la Constitution, « Pendant la période allant de la constatation de la vacance à l’investiture du nouveau Président de la République ou à la levée de l’empêchement temporaire, il ne peut être fait application des articles 60, 100, 103, 162 et 163 de la Constitution.» ;

Que de cette disposition, il est fait interdiction  à l’autorité qui supplée le Président de la République, de dissoudre les institutions et organes prévus par la Constitution ;

  1. Considérant que de tout ce qui précède, il échet d’une part, de constater la vacance des postes de Président de la République et de Président du Sénat, et l’impossibilité pour le Gouvernement d’exercer les attributions du Président de la République et, d’autre part, de confier au Colonel RANDRIANIRINA Michaël, qui incarne l’autorité militaire compétente, d’exercer les fonctions de Président de la République ;

EN CONSEQUENCE
           DECIDE : 

Article premier. –Est constatée la vacance des postes de Président de la République et de Président du Sénat.

Article 2.- Est constatée l’impossibilité par le Gouvernement en place de remplir les fonctions de Président de la République.

Article 3.- Invite l’autorité militaire compétente incarnée par le Colonel RANDRIANIRINA Michaël, à exercer les fonctions de Chef de l’Etat.

Article 4.- Les institutions et organes constitutionnels en place continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels.

Article 5.– La présente décision sera notifiée au requérant, au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat par intérim et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue par visioconférence à Antananarivo, le mardi quatorze octobre l’an deux mille vingt-cinq à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller-Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia, Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur  RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.