La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 concernant une requête aux fins de résolution sur une sortie de crise politique ;
Vu la loi n°2015-001 du 12 février 2015 relative au Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit ;
Vu la loi n°2015-020 du 19 octobre 2015 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des opérations électorales dénommée CENI ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
- Considérant que par requête en date du 20 octobre 2025, enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le même jour, le Président du Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit (HCDDED), demande à la Haute Cour de céans l’interprétation de la décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 notamment quant à l’étendue et à la portée de son article 4 et de donner des précisions si les membres des Institutions et Organes constitutionnels continuent également à exercer leur mandat respectif ;
- Considérant que suivant requête en date du 20 octobre 2025, enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le même jour, le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), demande à la Haute Cour de céans l’interprétation de la décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 afin de les éclairer :
- sur la question de la durée des mandats des membres des institutions et organes constitutionnels visées par l’article 4 de la décision dont ceux du Bureau Permanent de la CENI au regard du principe d’intangibilité du mandat, des avis n°03-HCC/AV et n°04-HCC/AV du 02 février 2019 ainsi que la décision n°17-HCC/D3 du 16 octobre 2020 ;
- sur les dispositions concernant l’impossibilité matérielle de tenir l’élection présidentielle dans le délai imparti, afin d’en déterminer les effets qui en découlent ;
Sur la jonction
- Considérant que les deux requêtes portent sur un même objet, en l’occurrence l’interprétation de l’article 4 de la décision n°10-HCC/D3 ; qu’il y a lieu de les joindre et de statuer dans une seule et même décision
- Considérant que le HCDDED soutient que le recours en interprétation consiste à demander à la Haute Cour de céans de se prononcer sur l’étendue et la portée de l’article 4 de la décision susmentionnée ; que le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit, étant un organe constitutionnel, prévu par l’article 43 de la loi fondamentale, est directement concerné par ledit article et a ainsi un intérêt pour agir devant la Haute Cour de céans ;
- Considérant que la CENI soutient que le mandat électif ou de nomination est strictement encadré, et ne peut être prorogé, abrégé ni suspendu sauf dans les cas exceptionnels prévus expressément par la Constitution notamment en cas de guerre, d’invasion ou d’insurrection ;
Qu’afin de prévenir toute incertitude juridique ou interprétation divergente, et dans l’intérêt de la continuité et de la légalité institutionnelle, elle sollicite l’éclairage de la Haute Cour de céans ;
Sur la recevabilité des demandes en interprétation
- Considérant que selon l’article 120 de la Constitution en son alinéa 3 : « les arrêts et décisions de la Haute Cour Constitutionnelle sont motivés ; ils ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles. » ; qu’en application de cette disposition, les décisions de la Haute Cour de céans ne doivent souffrir d’aucune fausse interprétation dans leur mise en œuvre ; que dans le respect de l’Etat de droit, de la Constitution et pour mettre en œuvre son pouvoir régulateur des institutions de l’Etat, la Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour examiner un recours en interprétation de sa propre décision ;
- Considérant qu’il convient de rappeler :
Que la Haute Cour de céans a été initialement saisie par le Député RANDRIANASOLONIAIKO Siteny Thierry, le 13 octobre 2025 aux fins de « se prononcer sur une résolution de sortie de crise institutionnelle et politique actuelle » ;
Que dans sa décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 en son article 4 et en usant de son pouvoir de régulation des institutions de l’Etat, la HauteCour Constitutionnelle a affirmé que « les Institutions et Organes constitutionnels en place continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels » ;
Que le considérant n°9 de ladite décision précise «Qu’une invitation est par conséquent faite à l’autorité compétente spécifiée plus haut pour organiser les élections dans les soixante (60) jours qui suivent la notification de la présente décision» ;
- Considérant que les requérants soutiennent que le recours en interprétation consiste à demander à la Haute Cour de céans de se prononcer sur l’étendue et la portée de l’article 4 et du Considérant n° 9 de la décision susmentionnée ; qu’étant des organes constitutionnels, prévus par les articles 5 et 43 de la loi fondamentale, ils sont directement concernés par ledit article et ont ainsi un intérêt pour agir devant la Haute Cour de céans ; que leurs demandes en interprétation sont ainsi recevables ;
AU FOND
Sur l’interprétation de l’article 4 de la décision n° 10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 :
- Considérant que les requérants souhaitent que la Haute Cour Constitutionnelle se prononce sur l’étendue et la portée de l’article 4 de la décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 notamment de préciser si les membres des Institutions et Organes constitutionnels continuent également à exercer leur mandat respectif ; que l’inexistence de telle précision pourrait susciter des interprétations erronées et irréversibles ;
- Considérant que le maintien du mandat des membres de la Haute Cour Constitutionnelle, de l’Assemblée Nationale et du Sénat constitue une garantie essentielle de la stabilité et de l’indépendance des institutions constitutionnelles ; que les mandats des membres de l’Assemblée Nationale, du Sénat et de la Haute Cour Constitutionnelle sont consacrés par les articles 69, 80 et 114 de la Constitution ;
- Considérant que la loi détermine la composition, l’organisation, le fonctionnement et la durée du mandat de la CENI et du HCDDED ; que celui de la CENI est consacré par l’article 21 de la loi n°2015-020 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des opérations électorales dénommée CENI et celui du HCDDED consacré par l’article 5 de la loi n°2015-001 relative au Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit ;
- Considérant de tout ce qui précède que les membres des Institutions et Organes constitutionnels continuent d’exercer leurs pouvoirs habituels et ce, selon leur mandat respectif défini par la Constitution ou la Loi, selon le cas ;
Sur l’interprétation du Considérant n°9 de la décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 :
- Considérant que selon les termes du considérant n° 9 de la décision n°10-HCC/D3 : « après la constatation par la Haute Cour Constitutionnelle de la vacance de la Présidence de la République, il est procédé à l’élection d’un nouveau Président de la République dans un délai de 30 jours au moins et 60 jours au plus, conformément aux dispositions des articles 46 et 47 de la Constitution. »
- Considérant, d’une part, que l’objectif en vue d’une tenue d’une élection ne saurait se concevoir sans les environnements propices à l’exercice du droit de vote
- Que d’autre part, compte tenu des circonstances qui ont généré la vacance de la magistrature suprême de l’Etat, le report du scrutin présidentiel sur la base d’une appréciation objective des conditions politiques, sécuritaires, financières et techniques de nature à garantir un scrutin libre, transparent et accepté par tous peut être envisageable sous le contrôle de la Haute Cour de céans ;
EN CONSEQUENCE
DECIDE
Article premier. – Les requêtes formulées par le Président du Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit et le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante, sont jointes.
Article 2.- Les demandes d’interprétation de l’article 4 et du Considérant n° 9 de la décision n°10-HCC/D3 sont recevables.
Article 3.- Les mandats des membres de l’Assemblée Nationale, du Sénat et de la Haute Cour Constitutionnelle sont consacrés par les articles 69, 80 et 114 de la Constitution.
Article 4.- Le mandat des membres de la CENI est consacré par l’article 21 de la loi n°2015-020 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des opérations électorales dénommée CENI et celui des membres de la HCDDED est consacré par l’article 5 de la loi n°2015-001 relative au Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit.
Article 5 :- Le report du scrutin présidentiel est envisageable sous le contrôle de la Haute Cour Constitutionnelle.
Article 6.– La présente décision sera notifiée aux requérants, au Président de la Refondation de la République de Madagascar, au Premier Ministre Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat par intérim et publiée au Journal Officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo le six novembre l’an deux mille vingt-cinq à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller-Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia, Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;
Et assistée de Maître VAONIRINA Colette, Greffier.
