La Haute Cour Constitutionnelle,

 Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie le 08 février 2019 par le Président de la République  par lettre n°052/PRM/SG/DEJ .19 reçue et enregistrée au greffe le même jour, pour soumettre au contrôle de conformité à la Constitution, préalablement à sa promulgation, conformément aux dispositions de l’article 117 de la loi fondamentale, la loi n°2019-001 déléguant le pouvoir de légiférer au Président de la République ;
  1. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes »; que selon l’article 117 de la loi fondamentale « avant leur promulgation, les lois organiques et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ; 
  1. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ladite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que ladite loi est adoptée lors de la séance plénière de l’Assemblée Nationale et du Sénat respectivement le 1er et le 5 février 2019 ; que la saisine introduite par le Président de la République est déclarée recevable ;

AU FOND

  1. Considérant que par son Avis n°01-HCC/AV du 16 février 2018, la Cour de céans a émis l’avis selon lequel : « Les pouvoirs de l’Assemblée nationale et le mandat des députés qui la composent, issus des élections du 20 décembre 2013, arrivent à expiration le 5 février 2019 à minuit» ; qu’à compter de cette date, la législature sortante ne peut plus exercer ni sa fonction législative ni sa fonction de contrôle du gouvernement ;
  1. Considérant que les nouvelles élections législatives sont prévues se tenir le 27 mai 2019 ; que, compte tenu du délai de publication des résultats provisoires par la Commission Electorale Nationale Indépendante fixé par l’article 44 alinéa premier de la loi organique n°2018-010 relative à l’élection des Députés de l’Assemblée nationale et de celui de la proclamation des résultats officiels par la Haute Cour Constitutionnelle fixé par l’article 45 de la même loi, la nouvelle législature ne sera pas en fonction durant la première session ordinaire du Parlement ; que l’article 84 in fine de la Constitution précise que « Lorsque l’Assemblée nationale ne siège pas, le Sénat ne peut discuter que des questions dont le gouvernement l’a saisi pour avis, à l’exclusion de tout projet législatif» ; que le Parlement ne pourra donc pas exercer sa fonction législative durant la période concernée ;
  1. Considérant que l’article premier de la loi soumise à contrôle dispose que « Jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale, il est délégué au Président de la République le pouvoir de légiférer par voie d’ordonnance pour la mise en œuvre de son programme» ; qu’ainsi, en respect du principe de la continuité de l’Etat, pour éviter qu’il n’y ait un  vide institutionnel et dans l’intérêt supérieur de la Nation, il convient de déléguer le pouvoir de légiférer au Président de la République en Conseil des ministres ;
  1. Considérant cependant qu’aux termes de l’article 104 de la Constitution, ledit pouvoir est délégué « pendant un temps limité et pour un objet déterminé» et « concerne des mesures de portée générale sur des matières relevant du domaine de la loi » ; que la mise en œuvre de ce pouvoir délégué doit respecter les limites imposées par ces dispositions constitutionnelles ;
  1. Considérant qu’il convient de préciser le moment de l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale ; qu’il faut distinguer la nomination de l’entrée en fonction ; que le titre juridique de « Député de Madagascar » est constitué par la proclamation officielle des résultats de l’élection ; que l’article 78 de la Constitution dispose que « l’Assemblée nationale se réunit de plein droit en session spéciale le deuxième mardi qui suit la proclamation des résultats de son élection pour procéder à l’élection de son bureau et à la formation des commissions » ; que cette session spéciale constitue l’entrée en fonction de la nouvelle législature ; qu’en conséquence, la légifération par ordonnance se termine le jour du début de cette session spéciale  ;
  1. Considérant que, en vertu de l’article 104 de la Constitution, si le constituant autorise le président de la République en Conseil des ministres à faire des quasi-lois dans le domaine du législateur par le biais d’une loi d’habilitation, il appartient à la Cour de céans de vérifier que les domaines dans lesquels cette autorisation d’empiètement de l’exécutif sur le législatif a été donnée ne sont pas trop étendus car le législateur n’a pas le droit d’abandonner largement ses pouvoirs à l’exécutif ;
  1. Considérant que l’alinéa 2 de l’article 104 de la Constitution instaure une première limite ; que la procédure des ordonnances doit concerner le domaine de la loi énuméré par les articles de la Constitution ; que la seconde limite est fixée par la loi d’habilitation, en l’occurrence l’exécution du programme général de l’Etat ; que, compte tenu du caractère exceptionnel de l’absence temporaire de l’Assemblée nationale et en vertu du principe de continuité de l’Etat, la procédure des ordonnances devrait concerner des mesures ne pouvant pas attendre la seconde session ordinaire du Parlement ;
  1. Considérant que le terme « ordonnance » désigne, dans la Constitution de 2010, des actes pris par l’exécutif dans le domaine de la loi, en vertu d’une habilitation législative ; que dans l’histoire constitutionnelle malgache, la procédure des ordonnances existait déjà sous la IIème et la IIIème  Républiques ;
  1. Considérant que, si les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication, un projet de loi de ratification doit être déposé ultérieurement devant le Parlement ; que l’objet essentiel du dépôt du projet de loi de ratification est de maintenir en vigueur les ordonnances édictées ; que la pratique des ratifications groupées est possible ; que les projets de loi de ratification doivent être déposés au cours de la seconde session ordinaire du Parlement ;
  1. Considérant que, sous réserve des Considérants 9 et 10, la loi n°2019-001 déférée ne connaît aucune disposition contraire à la loi fondamentale ; qu’il échet de la déclarer conforme à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE

D E CI D E

 

Article premier.- Sous réserve des Considérants 9 et 10, la loi n°2019-001 déléguant le pouvoir de légiférer au Président de la République est déclarée conforme à la Constitution et peut faire l’objet de promulgation.

Article 2.- La légifération par ordonnance se termine le jour du début de la session spéciale de la nouvelle Assemblée nationale.

Article 3.- Les projets de loi de ratification des ordonnances doivent être déposés devant le Parlement au cours de sa seconde session ordinaire de l’année 2019.

Article 4.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat,  au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal Officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi treize février deux mille dix-neuf à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.