La Haute Cour constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour constitutionnelle ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que par lettre n°247-PRM/19 du 06 septembre 2019, enregistrée le même jour au greffe de la juridiction de céans, le Président de la République saisit le Président de la Haute Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 119 de la Constitution, aux fins de demander l’avis de la Cour de céans « sur la conformité avec l’article 49 de la Constitution de la création d’une fondation par le Président de la République» ;
  1. Considérant qu’aux termes de l’article 119 de la Constitution,  « La Haute Cour constitutionnelle peut être consultée par tout Chef d’institution et tout organe des collectivités territoriales décentralisées pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution» ;
  1. Que s’agissant d’un avis sur le sens et l’interprétation d’un article de la Constitution présenté par un Chef d’institution, en l’occurrence le Président de la République, première Institution de l’Etat, la présente demande est régulière et recevable ;

AU FOND

  1. Considérant que selon l’article 49 de la Constitution : « Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec toute fonction publique élective, toute autre activité professionnelle, toute activité au sein d’un parti politique, d’un groupement politique ou d’une association, et de l’exercice de responsabilité au sein d’une institution religieuse. Toute violation des dispositions du présent article, constatée par la Haute Cour constitutionnelle constitue un motif d’empêchement définitif du Président de la République» ; que cet article régit le régime des incompatibilités de fonction du Président de la République ; que les incompatibilités peuvent être définies comme les interdictions de cumuler certains mandats ou certaines fonctions avec les mandats électifs, notamment celui de Président de la République ; que l’article 49 de la Constitution précité établit une liste des incompatibilités de fonction et qu’elle a un caractère exhaustif ;
  1. Considérant que la problématique de la présente demande d’avis a trait à l’assimilation ou à la distinction entre fondation et association ; que l’article 2 de la loi n°2004-014 du 19 aout 2004 portant refonte  du régime des fondations définit la fondation comme une « Personne morale de droit privé dont la création résulte, d’une part d’un acte juridique par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales affectent de manière permanente des biens, droits et ressources pour la réalisation d’objectifs d’intérêt général et, d’autre part de la reconnaissance d’utilité publique par le Gouvernement » ;  que, juridiquement, les fondations sont rattachées à la famille des structures composant l’économie sociale ;
  1. Considérant que l’article 2 de l’ordonnance n°60-133 du 03 octobre 1960 portant régime général des associations définit l’association comme « une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices » » ; que fondation et association sont ainsi deux concepts d’une nature juridique différente ; que cette différenciation est confortée par le fait que fondation et association sont régies par deux lois distinctes ;
  1. Considérant qu’une fondation et une association ont des objectifs différents ; que la fondation est une institution dédiée à l’intérêt général, la tutelle de l’Etat étant le garant de l’utilité publique, tandis que l’association défend les intérêts d’un groupe organisé ; que la fondation est soumise à des dispositions spécifiques en matière d’établissement, de types de ressources ; qu’elle bénéficie de la possibilité de percevoir une rémunération via ses produits de placement, les produits de valorisation de ses immeubles et en tant que prestataire de services, ce qui la différencie d’une association ; que la gouvernance de la fondation est très différente de celle de l’association ;
  1. Considérant que la fondation ne fait pas partie de la liste des institutions, organes et entités énumérés par l’article 49 de la Constitution ; qu’ainsi cet article 49 n’interdit en aucun cas au Président de la République de créer une fondation ;
  1. Considérant de plus que l’ article 49 évoque l’exercice d’une « fonction » ou d’une « activité » au sein d’une association ; que la question posée à la Cour de céans concerne la « création » d’une fondation et non  l’exercice d’une « fonction » ou d’une « activité » au sein de la fondation ; que si la création d’une fondation par le Président de la République  n’est  pas  contraire  à  la Constitution tel que précisé au considérant  8, pour respecter l’esprit de l’article 49 de la Loi fondamentale et de la volonté du constituant, le Président de la République ne doit exercer aucune fonction au sein cette fondation ; que cette dernière doit respecter scrupuleusement son objectif dédié à l’intérêt général et doit être dissociée de toute connotation politique ;

En conséquence,

la Haute Cour Constitutionnelle

émet l’Avis que :

 

Article premier.- La création d’une fondation par le Président de la République n’est pas contraire à l’article 49 de la Constitution.

Article 2.- Le Président de la République ne doit exercer aucune fonction au sein de cette fondation.

Article 3.-  La fondation doit respecter scrupuleusement son objectif d’intérêt général et doit être dissociée de toute connotation politique.

Article 4.- Le présent Avis sera notifié au Président de la République, et publié au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le vendredi vingt septembre deux mille dix-neuf  à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.