La Haute Cour Constitutionnelle, 

Vu la Constitution ;

Vu la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 Janvier 2007 ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 modifiée par l’ordonnance n°2019-002 du 15 mai 2019 relative au régime général des élections et des référendums ;

Vu la loi organique n° 2018-009 du 11 mai 2018 relative à l’élection du Président de la République ;

Vu la loi n°2015-020 du 19 octobre 2020 relative à la structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des opérations électorales dénommée « Commission Électorale Nationale Indépendante » ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme  

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie par le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) suivant lettre n°220-23/CENI/SE/SEA/DEAJ du 9 février 2023, reçue et enregistrée au greffe de la juridiction le même jour aux fins de demande d’avis sur la constitutionnalité des dates proposées pour la tenue de la prochaine élection présidentielle, le 09 novembre 2023 pour le premier tour et le 20 décembre 2023 pour le second tour ;
  1. Considérant que l’article 116-4° de la Constitution dispose que « outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique : statue sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République et des élections des députés et des sénateurs» ; que l’article 52 de la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums prévoit que « le scrutin doit se tenir durant la saison sèche de l’année entre le 31 mai et le 30 novembre , sauf cas de force majeure prononcée par la juridiction compétente sur saisine de la Commission Électorale Nationale Indépendante » ;
  2. Considérant par ailleurs que l’article 43 de la loi n°2015-020 relative à la CENI prévoit que « Dans la mise en œuvre de ses attributions, la CENI est investie (…) d’un pouvoir de saisine des juridictions compétentes» ; que l’article 4 de la loi organique n°2018-009 relative à l’élection du Président de la République énonce que : « Après consultation du projet de calendrier électoral présenté par la CENI, le décret de convocation des électeurs est pris en conseil de gouvernement quatre-vingt-dix jours au moins avant la date du scrutin (…) » ;
  1. Considérant qu’il relève de la compétence de la CENI de proposer les calendriers pour la tenue des élections conformément aux dispositions de l’article 51 de la loi organique sur le régime général des élections et des référendums ,  et qu’au sens de l’article 43 de la loi sur la CENI suscité, la juridiction compétente est la Haute Cour Constitutionnelle, en ce qui concerne l’élection présidentielle ; que ladite structure peut lui demander la constitutionalité des propositions de dates pour l’organisation du scrutin présidentiel ;que lesdites propositions constituant une étape dans le processus électoral, revêtent clairement un caractère électoral, et relèvent de la compétence de la juridiction de céans ; que la demande d’avis déposée par le Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante est ainsi recevable ;

Au fond

  1. Considérant que la CENI, structure nationale indépendante chargée de l’organisation et de la gestion des élections demande l’avis de la Cour de céans pour « écourter de 10 jours le mandat du Président de la République en exercice, par rapport à la date du 19 novembre 2023», aux motifs que les opérations relatives aux scrutins se déroulent sur plusieurs semaines allant du dépouillement en passant par le recensement matériel des votes et la publication des résultats, jusqu’au traitement du contentieux et la proclamation officielle des résultats ; que les mêmes procédés demeurent incontournables en cas de deuxième tour, d’autant plus que les saisons pluvieuses et cycloniques rendent impraticables certaines routes entraînant le plus souvent l’inaccessibilité de certaines localités ; que la CENI estime  par ailleurs que  l’organisation des élections en cette période porterait gravement atteinte aux droits des électeurs et à l’égalité des chances des candidats étant donné  que la célérité du traitement, la publication des résultats ainsi que la sécurité des documents ne seront pas assurées ;  
  1. Considérant, d’une part que l’article 45 de la Constitution dispose que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois » ; que l’article 47 alinéa 1 de la Constitution précise que « l’élection du Président de la République a lieu trente jours au moins, et soixante jours au plus avant l’expiration du mandat du Président en exercice » ;

Que l’article 48 in fine ajoute que « le mandat présidentiel commence à partir du jour de la prestation de serment » ; que le mandat de l’actuel Président de la République a commencé le 19 Janvier 2019, date de sa prestation de serment ; que la date de l’élection présidentielle devrait ainsi se tenir entre le 19 novembre 2023 et le 19 décembre 2023 ;

  1. Considérant, d’autre part que la Constitution malagasy considère comme condition du facteur essentiel du développement durable le respect et la protection des libertés fondamentales, entre autres le droit de vote, et reconnait la démocratie comme fondement de la République ; que la Charte Africaine de la Démocratie, des élections et de la gouvernance, ratifiée par Madagascar,  a fait sienne  la promotion de la culture d’une alternance politique par la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et impartiaux; que la bonne conduite des opérations électorales constitue l’une des conditions essentielles de la légitimité des élections ; que l’élection est le seul procédé constitutionnel permettant aux citoyens d’exprimer leur souveraineté conformément aux dispositions de l’article 5 de la Constitution ;
  1. Considérant que l’article 120 in fine de la Constitution dispose que « les arrêts et décisions de la Haute Cour Constitutionnelle sont motivés, et ne sont susceptibles d’aucun recours. Ils s’imposent à tous les pouvoirs publics ainsi qu’aux autorités administratives et juridictionnelles » ; que, dans sa décision n°15-HCC/D3 du 03 mai 2018 portant sur la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums, la Cour de céans a émis une réserve quant à l’interprétation de l’article 52 de ladite loi ; que l’organisation d’un scrutin durant la saison sèche ne peut être qu’une option préférentielle pour être conforme à la Constitution ;
  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle malagasy dans son avis n°03-HCC/AV du 09 mai 2006, a établi qu’une « anticipation» de 20 jours, ne constituant pas une prorogation du mandat du Président en exercice au cas où ce dernier se représente pour sa propre réélection , ne présente pas un caractère excessif compte tenu de la poursuite des objectifs constitutionnels exposés au considérant 7 que sont l’exercice du droit de vote, l’expression de la souveraineté populaire, le respect de la démocratie et la garantie de la stabilité politique ; que dans le cas d’espèce,  écourter de 10 jours le mandat du Président en exercice ne constitue pas une mesure disproportionnée et excessive ;
  1. Considérant, de tout ce qui précède, que la proposition de calendrier pour la tenue des deux tours de l’élection présidentielle qui pourrait écourter de 10 jours le mandat du Président de la République en exercice, dans l’hypothèse où il se porte candidat, et fixant le deuxième tour de l’élection présidentielle pendant la saison des pluies, le 09 novembre 2023 pour le premier tour et le 20 décembre 2023 pour le second tour, n’est pas contraire à la Constitution;

En conséquence :
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier. – La demande d’avis du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante est recevable.

Article 2.-La proposition de calendrier pour la tenue de la prochaine élection présidentielle, le 9 novembre 2023 pour le premier tour et le 20 décembre 2023 pour le deuxième tour, n’est pas contraire à la Constitution.

Article 3.-Le présent avis sera notifié au Président de la République, au Premier Ministre Chef du gouvernement, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, au Président de la CENI et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi quinze février l’an deux mille vingt-trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.