La Cour Electorale Spéciale,

Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n°2012-005 du 22 mars 2012 portant Code électoral ;
Vu la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième République ;
Vu la loi n°2011-014 du 28 décembre 2011 portant insertion dans l’ordonnancement juridique interne de la Feuille de route ;
Vu la loi n°2012-014 du 30 juillet 2012 portant création d’une chambre spéciale dénommée Cour Electorale Spéciale au sein de la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu le décret n°2012-978 du 7 novembre 2012 portant constatation de la nomination des membres élus au sein de la chambre spéciale dénommée « Cour Electorale Spéciale » (CES) au sein de la Haute Cour Constitutionnelle ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°094-PM/CAB/CC/AI en date du 21 mai 2013, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement saisit la Cour Electorale Spéciale aux fins de révision de la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 arrêtant la liste des candidats à l’élection du premier Président de la quatrième République ;

Que par ailleurs, par lettre en date du 24 mai 2013, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement d’Union Nationale, le Président du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM), le Président du Conseil de Suivi et de Contrôle de l’application de la Feuille de route (CSC), le Président du Comité Militaire de la Défense Nationale (CMDN), le Ministre des Forces Armées et le Ministre de la Sécurité Intérieure formulent une requête tendant à faire réviser la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 arrêtant la liste des candidats à l’élection du premier Président de la quatrième République ;

Qu’enfin, par bordereau d’envoi n°058/13-FFM/P en date du 4 juin 2013, le Président du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM) a transmis « pour compétence » à la Cour de céans une « résolution de la réunion initiée par les six entités à Ivato le 3 juin 2013 (FFM, CSC, CMDN, MFA, SEG, MSI) » ;

SUR LA JONCTION

Considérant que ces trois requêtes tendent à une même fin, à savoir la révision de la décision n°01-CES/D du 3 mai 2013 ;

Qu’il échet de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;

SUR LA RECEVABILITE

Considérant que les trois requêtes susvisées tendent à demander à la Cour Electorale Spéciale de réviser sa décision n°01-CES/D du 3 mai 2013, aux motifs :

–   Que suivant lettre n°094-PM/CAB/CC/AI précitée « …Le Sommet de la Troïka de la SADC tenu au Cap en Afrique du Sud le 10 mai 2013, a demandé à ces trois candidats de se retirer de l’élection présidentielle du 24 juillet 2013. En effet, il estime que les trois candidatures constituent un obstacle pour assurer le déroulement paisible des élections et que cette situation fait peser « un grave danger sur la stabilité » de Madagascar. Suivant la communication du 16 mai 2013 du Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’Union Africaine, M. Ramtane Lamara, « Concernant spécifiquement M. Rajoelina, il convient de souligner ici que la doctrine de l’UA prohibe la participation de personnes ayant contribué ou bénéficié d’un changement anticonstitutionnel de Gouvernement aux élections organisées pour rétablir l’ordre constitutionnel ; la Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance est explicite à cet effet ».

L’Union Européenne, principal bailleur de fonds de Madagascar en général, et pour le financement des élections, en particulier, s’aligne sur la position de la SADC et de l’UA.

La déclaration de la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission, Madame Catherine Ashton, souligne que : « Ces candidatures modifient le contexte des élections et vont pour certaines à l’encontre d’engagements pris ». La menace de la suspension du financement des élections par l’Union Européenne est alors annoncée.

Cette déclaration de l’Union Européenne risque indubitablement d’entraîner dans la même direction d’autres Etats ou Organisations Internationales ayant ou devant contribuer au financement et au soutien des prochaines élections à Madagascar.

Ces prises de positions de la Communauté Internationale fondées sur l’exigence de respect, d’une part, de la légalité, obligation première et fondamentale de toute juridiction, d’autre part, des engagements pris, point cardinal de toute éthique de gouvernance, constituent indiscutablement un cas de force majeure, laquelle, si on n’arrive pas à la surmonter à temps et de manière appropriée, sera annonciatrice d’un danger imminent pour la sortie de crise, pour le retour à la normalité constitutionnelle et la paix civile.

Ainsi, cette survenance d’élément nouveau dans le traitement des dossiers des candidatures à l’élection présidentielle du 24 juillet 2013 ouvre-t-elle une nécessité de révision de la décision juridictionnelle antérieure litigieuse… » ;

– Que la lettre en date du 24 mai 2013 expose qu’il existe « …une situation insurmontable qui impose à la République de Madagascar et à toutes ses institutions d’organiser des élections présidentielles sans la participation de monsieur Andry Nirina RAJOELINA, de madame Lalao RAVALOMANANA et de monsieur Didier Ignace RATSIRAKA en tant que candidats… » ;

– Que par la résolution du 3 juin 2013 «… Toutes les entités, en l’occurrence celles qui exercent la fonction exécutive, législative, juridictionnelle ainsi que les institutions et/ou organes mis en place par la feuille de route en vue de la sortie de crise, sont appelés à prendre acte des dispositions de la présente convention ainsi que des conditions avancées par la Communauté internationale afin d’assurer la tenue d’élections reconnues ; Elles doivent aussi prendre toutes les mesures et les décisions correspondantes nécessaires à la tenue de ces élections… » ;

Considérant cependant que par application combinée des dispositions des articles 11 de la loi n°2012-014 du 30 juillet 2012 portant création d’une chambre spéciale dénommée Cour Electorale Spéciale (CES) au sein de la Haute Cour Constitutionnelle  et 43 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle, les arrêts, avis et décisions de la Cour de céans ne sont susceptibles d’aucune voie de recours ;

Qu’il échet de déclarer lesdites requêtes irrecevables sans qu’il soit besoin de statuer sur le fond ;

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article premier.- Les requêtes du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, d’une part, du  Premier Ministre, Chef du Gouvernement d’Union Nationale, du Président du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM), du Président du Conseil de Suivi et de Contrôle de l’application de la Feuille de route (CSC), du Président du Comité Militaire de la Défense Nationale (CMDN), du Ministre des Forces Armées et du Ministre de la Sécurité Intérieure, d’autre part, et enfin du Président du Filankevitry ny Fampihavanana Malagasy (FFM), sont jointes.

Article 2.- Lesdites requêtes sont déclarées irrecevables.

Article 3.- La présente décision sera publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en son audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi cinq juin l’an deux mil treize, à neuf heures, la Cour Electorale Spéciale étant composée de :

Monsieur RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
Monsieur RAVELONTSALAMA Bertholier, Membre
Monsieur RAHOERASON Emile, Membre
Monsieur RAVELOARIJAONA Boanary, Membre
Monsieur RAZAFIMANDIMBY Soloherinoro John, Membre
Madame RAZAFINDRAKOTO HARIMISA Noro Vololona, Membre
Madame ROBINSON Elisabeth Harinoro, Membre
Madame ANDRIANAY Noromalala Pierreline, Membre
Monsieur ANDRIANJANAHARY Philippe, Membre

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.