La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par lettre n°31-12/CST/P du 23 février 2012, enregistrée le même jour au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle, le Président du Conseil Supérieur de la Transition saisit le Président de la Haute Cour Constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 119 de la Constitution, aux fins d’interprétation des dispositions des articles 79 et 117, in fine, de la Constitution ;

Que selon la lettre de saisine, il s’agit d’une demande d’avis tendant à déterminer la valeur juridique du règlement intérieur du Parlement dans l’ordonnancement juridique interne par rapport aux autres textes législatifs et réglementaires et ce, afin de dissiper toute interprétation erronée ;

Qu’à ce propos, le Président du Conseil Supérieur de la Transition constate, d’une part, que le règlement intérieur, voté en séance plénière, est soumis au contrôle de constitutionnalité en vertu de l’article 117, in fine, de la Constitution aux termes duquel : « Le règlement intérieur de chaque Assemblée est soumis au contrôle de constitutionnalité avant sa mise en application. Une disposition jugée inconstitutionnelle ne peut être appliquée » ;

Que d’autre part, le règlement intérieur apparaît comme un texte d’application d’une loi organique et ce, en vertu de l’article 79 de la Constitution aux termes duquel : « Les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale sont fixées dans leurs principes généraux par une loi organique et dans leurs modalités par son règlement intérieur. Le règlement intérieur est publié au journal officiel de la République » ;

Qu’enfin, le Conseil Supérieur de la Transition voudrait avoir plus d’éclaircissements sur la valeur juridique de tous les actes réglementaires pris au sein du Conseil, notamment les arrêtés, par rapport à l’ensemble des actes législatifs et réglementaires ;

EN LA FORME :

Considérant qu’aux termes du l’article 119 de la Constitution: « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout Chef d’institution et tout organe des collectivités territoriales décentralisées pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution » ;

Que s’agissant d’une interprétation d’une disposition de la Constitution présentée par un chef d’institution, la demande d’avis est régulière en la forme et doit être déclarée recevable ;

AU FOND :

Considérant qu’au fond, la demande d’avis, en évoquant le règlement intérieur du Parlement, tend à déterminer la place du règlement intérieur tant du Congrès de la Transition que celui du Conseil Supérieur de la Transition dans l’ordonnancement juridique interne ;

Considérant qu’il est admis que l’ordonnancement juridique interne s’entend de l’établissement et de l’existence d’une hiérarchie entre la pluralité des normes ;

Considérant que la demande d’avis amène à définir la place reconnue au règlement intérieur de chaque chambre du Parlement dans la hiérarchie des normes juridiques et ainsi à déterminer sa nature juridique ;

Considérant dès l’abord que la hiérarchie entre les normes juridiques peut être établie, soit sur la base d’un critère organique en fonction de leur auteur, soit sur la base d’un critère matériel en fonction de leur objet et contenu ; qu’ensuite, sur la base d’un critère formel, la catégorisation de chaque règle juridique est définie par la procédure de son élaboration telle que prescrite par la Constitution ;

Considérant par ailleurs qu’il importe de déterminer si la soumission au contrôle de constitutionnalité de la norme juridique la fait entrer d’office dans le domaine législatif ;

I- SUR LA CATEGORISATION DES LOIS SELON LA CONSTITUTION :

Considérant que la détermination des différentes catégories de lois apparaît à la lecture de la Constitution et qu’il importe notamment de relever les lois organiques, les lois ordinaires, les lois de finances aux termes des dispositions de l’article 87 de la Constitution ;

Considérant que relèvent aussi du domaine législatif, les ordonnances prises en Conseil des Ministres par le Président de la République dans les cas et conditions prévus par la Constitution ;

Considérant que les lois suscitées contiennent, par définition, des règles impersonnelles, de portée générale et ayant un caractère obligatoire ;

Considérant dès lors qu’il y a lieu de constater, d’une part, qu’aucune disposition de la Constitution n’insère le règlement intérieur de chaque chambre du Parlement dans les catégories de lois et que, d’autre part, ce règlement intérieur s’applique uniquement à la chambre concernée et ne revêt par les caractères général et impersonnel propres à une loi;

II- SUR LA PROCEDURE D’ELABORATION DE LA LOI :

Considérant que la détermination de la nature juridique du règlement intérieur d’une Assemblée nécessite une référence à la procédure législative ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 86 de la Constitution, l’initiative des lois appartient concurremment au Premier Ministre, aux Députés et aux Sénateurs ;

Que dans la période de la transition, le Congrès de la Transition et le Conseil Supérieur de la Transition remplacent dans leur fonction législative, les députés et les sénateurs ;

Considérant que le Congrès de la Transition et le Conseil Supérieur de la Transition adoptent chacun son règlement intérieur sans requérir le vote des deux Assemblées pour entrer en vigueur ;

Considérant qu’ainsi, le règlement intérieur sus-évoqué ne peut revêtir le caractère d’une loi en ce sens que la loi est votée par le Parlement donc par les deux Assemblées, en vertu des dispositions de l’article 88 de la Constitution ;

Qu’en conséquence, de ce qui précède, le règlement intérieur de chaque chambre du Parlement ne peut être assimilé à une loi sur le plan organique et formel, s’agissant d’une résolution adoptée par chaque chambre ;

III-SUR LA NATURE JURIDIQUE DU REGLEMENT INTERIEUR ET DES ACTES PRIS PAR CHAQUE CHAMBRE DU PARLEMENT :

Considérant que sur le plan organique et formel, le règlement intérieur est un acte pris par chaque chambre du Parlement et ne revêt pas ainsi le caractère d’une loi qui nécessite l’intervention des deux chambres ;

Considérant que sur le plan matériel, le règlement intérieur est élaboré pour fixer l’organisation et le fonctionnement interne de chaque chambre et en particulier les modalités et mesures nécessaires à l’application des dispositions constitutionnelles et légales relatives à la procédure législative ;

Considérant ainsi que l’importance des missions confiées à chaque chambre du Parlement chargée de voter des lois qui expriment la volonté générale et plus particulièrement le respect des règles relatives à la procédure législative, justifient l’obligation du contrôle de constitutionnalité du règlement intérieur qui doit être conforme à la Constitution, aux termes des dispositions de l’article 117 de la Constitution ;

Considérant que ni la Constitution ni les lois en vigueur n’interdisent au Parlement, pour les besoins de son fonctionnement, de prendre des actes particuliers, notamment des motions, des résolutions ou des arrêtés, actes qui ne sauraient être contraires aux dispositions constitutionnelles et légales ;

Considérant que la Constitution, par le moyen de la répartition des pouvoirs entre les organes de l’Etat a, d’une part, établi une hiérarchie des normes juridiques et d’autre part, déterminé le domaine de compétence de chaque organe ;

Qu’ainsi, entre autres, l’initiative des lois de finances ne peut émaner que du pouvoir exécutif tel qu’il résulte des dispositions de l’article 92 de la Constitution, règle à laquelle il ne saurait être dérogé, même par l’organe législatif ;

Considérant que l’article 95 de la Constitution énumère les matières qui relèvent du domaine de la loi et qu’aux termes de l’article 97 de la Constitution, les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi, ont un caractère réglementaire ;

Qu’il en résulte que le Parlement a vocation à édicter des lois et non des actes réglementaires qui relèvent du pouvoir exécutif et ce, afin d’éviter un empiètement entre les compétences de chaque institution ;

Que les arrêtés émanant des organes législatifs constituent des actes d’administration interne destinés à prendre des mesures d’ordre interne conformément à la Constitution, à la loi organique, aux règlements et au règlement intérieur ;

Que ces actes doivent respecter la répartition de compétence prévue par la Constitution et les lois et ne sauraient être confondus avec les actes réglementaires à portée générale relevant du pouvoir exécutif ;

En conséquence,
La Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :

Article premier.- Le règlement intérieur de chaque chambre du Parlement constitue une résolution n’ayant pas un niveau supérieur à la loi.

Article 2.- Un arrêté pris par une autorité législative est un acte d’administration interne respectant la hiérarchie des normes prévue par la Constitution mais ne saurait constituer un acte réglementaire qui relève seulement de la compétence du pouvoir exécutif.

Article 3.- Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le jeudi dix mai l’an deux mil douze à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef