La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat ;
Vu la loi n°2000-014 du 24 août 2000 portant Code électoral ;
Vu l’arrêt n°02-HCC/AR du 25 avril 2008 portant proclamation des résultats officiels de l’élection du 20 avril 2008 des membres du Sénat ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant que par requête en date du 24 avril 2008 parvenue à la Haute Cour Constitutionnelle le 28 avril 2008, sieur RAZAFIMILY Constance, candidat à l’élection sénatoriale du 20 avril 2008, a demandé à la Cour de céans la disqualification du candidat SOLOFONIRINA Rajaobelina Gérard, premier suppléant de la liste « Tiako i Madagasikara » et l’annulation des voix obtenues par les candidats de la liste « Tiako i Madagasikara » dans la circonscription électorale de la région Atsimo Atsinanana ;

Considérant que la requête, régulière en la forme, est recevable ;

Considérant que, par le truchement de Maître RANDRIANTSOTSY Fulgence, Avocat au barreau de Madagascar, le requérant expose :

« 1°-Sur la disqualification :

Que le sieur SOLOFONIRINA Rajaobelina Gérard est administrateur civil, secrétaire général du Faritra Sud-Est ;
Que contrairement aux prescriptions de l’art.17 de l’ord.2008-002 du 17 février 2008 portant loi organique du Sénat il n’a pas été relevé de ses fonctions et ne s’est pas privé de s’en prévaloir pendant la campagne électorale : cela constitue un usage des prérogatives de puissance publique pour influencer le choix des électeurs et viole les prescriptions de l’art.128 du code électoral ;
Le requérant demande sa disqualification.
2°-Sur l’annulation des voix obtenues par la liste TIM :
Qu’en premier lieu la disqualification du premier suppléant de la liste TIM entraîne l’annulation des voix obtenues par la liste ;
Qu’en deuxième lieu il est à relever divers actes perpétrés par la liste TIM qui ont influencé le choix des électeurs et porté atteinte à la sincérité du scrutin.
2.1-Campagne électorale avant la date d’ouverture du scrutin.
Avant la date du scrutin, les maires de quelque obédience qu’ils proviennent ont été convoqués à Farafangana en vue de désigner le candidat du TIM. La réunion s’est tenue à l’hôtel restaurant ABBA. Il y eut propagande et vote avec utilisation isoloir et urne transparente. Ce sont ces maires qui sont les grands électeurs au scrutin du 20 avril 2008.

Ces faits ont été relatés à la radio et télévision nationales ainsi qu’à la radio télévision M.B.S.
En cas de contestation le requérant demande à la Haute juridiction d’ordonner une enquête ou un supplément d’information ainsi que le permet l’ord. n°2001-003 du 3 octobre 2001 ;
2.21-Campagne électorale après élection.
Les candidats de la liste TIM ont assuré le transport aller-retour hébergement et la restauration des grands électeurs le samedi 19/04/2008 et le dimanche 20/04/2008.
2.22-Cas Farafangana.
Le samedi 19 avril 2008 à 10h les grands électeurs ont été transportés au lieu dit Anosikely pour une excursion. La nuit ils ont été restaurés et hébergés l’hôtel HANITRA. Avant d’aller voter, il leur a été remis des enveloppes et bulletins où sont inscrits leur nom.
Les véhicules utilisés portent les immatriculations n°0653 WWA, n°0182-TAF, n°1354-TAF. Ce sont des véhicules administratifs.
2.23-Cas de Vangaindrano.
Le requérant produit un procès-verbal de constatation d’huissier de justice en fonction à Vangaindrano relatant la prise en main par le candidat de la liste TIM des 25 grands électeurs avec la participation du Chef de District et du député. Il y eut utilisation des véhicules administratifs dotation du Député et dotation du chef de District.
Le candidat de la liste TIM avait hébergé les grands électeurs dans son hôtel dénommé SHELLEDEL la nuit du samedi 19 avril au dimanche 20 avril 2008.
Autant de faits constitutifs de propagande après la clôture de la campagne électorale et manœuvres de pression auprès des grands électeurs.
2.24-Cas de Midongy Atsimo.
Le samedi 19 avril 2008, les grands électeurs, après avoir assisté à une réunion à Vangaindrano ont été ramenés à Midongy avec le véhicule de Monsieur le Chef de Région puis hébergés chez Monsieur le député de Midongy avec interdiction d’avoir de contact avec l’extérieur jusqu’après avoir voté le dimanche matin.
2.25-Cas de Befotaka.
Transport par véhicule du Chef de Région après une réunion à Vangaindrano. Madame YVONE maire d’Atondambe a avoué qu’on leur avait fait signer une lettre d’engagement pour élire le candidat de la liste TIM.
2.3-Participation active du Ministre, du Chef de Région, du Chef du District dans la campagne électorale du candidat TIM avec utilisation des véhicules administratifs.
Les grands électeurs ont été convoqués à plusieurs reprises pour assister à des réunions dirigés par le Ministre coach, du Chef de Région. L’administration a fait coïncider le déblocage de la subvention de 9.000.000 Ariary à la dernière semaine de la campagne électorale. Des pressions énormes ont été exercées aux grands électeurs pour les faire peur avec menace d’emprisonnement, d’inspection d’Etat, d’enquête de BIANCO. On les oblige à signer des lettres d’engagement pour voter au profit du candidat-panjakana la liste TIM.
La démocratie et l’Etat de droit constituent les principes fondateurs de la république. Les actes et pratiques relatés ci-dessus en constituent une violation flagrante.
Seulement, il est difficile d’apporter des preuves directes du fait de l’atmosphère de terreur ayant entourée la campagne électorale. C’est la raison pour laquelle le requérant insiste auprès de votre Haute juridiction de bien vouloir procéder ou faire procéder à des enquêtes ou des suppléments d’information. »

Sur la disqualification :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 128 du Code électoral, tout fonctionnaire d’autorité civile, candidat à une élection, ayant usé des prérogatives de puissance publique dont il dispose pour influencer le choix des électeurs, sera disqualifié.

Considérant que les dispositions légales sus citées évoquent trois conditions pour que la Cour de céans puisse prononcer la disqualification :
– le candidat figure parmi les fonctionnaires d’autorité civile ;
– le candidat a usé des prérogatives de puissance publique liées à ses fonctions ;
– l’usage de ces prérogatives de puissance publique a pu influencer le choix des électeurs ;

Considérant qu’en tout état de cause, il appartient au requérant d’apporter les preuves de ses allégations ; que tel est le sens devant être donné à l’alinéa 2 de l’article 128 du Code électoral qui exige que les charges contre le candidat incriminé doivent être fondées ;

Considérant dès l’abord qu’en application de l’article 17 de l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat, le décret n°2008-309 du 28 février 2008, en son article 11, énonce exhaustivement la liste des fonctionnaires d’autorité ;

Qu’un Administrateur civil, Secrétaire Général de la Région, ne figure pas dans cette liste ; qu’ainsi, le candidat suppléant incriminé ne peut être relevé de ses fonctions à compter de la date de publication officielle de la liste des candidats au sens de l’article 17 de l’ordonnance sus évoquée ;

Que le moyen tiré de la disqualification ne peut être retenu ;

Sur l’annulation des voix obtenues par la liste « Tiako i Madagasikara » :

Considérant que le fait d’organiser des élections primaires au sein d’un parti politique aux fins de désigner un candidat à une élection donnée, ne peut constituer une infraction à la législation électorale et respecte bien le principe de la démocratie ;

Que par conséquent, le moyen évoqué ne peut être assimilé à une propagande anticipée ;

Considérant, par ailleurs, que le requérant invoque l’usage de prérogatives de puissance publique notamment :
– par le transport en véhicules administratifs des grands électeurs ;
– par la participation du Ministre coach et du Chef de Région à la campagne électorale ;
– par la prise en charge (hébergement et restauration) des grands électeurs par le Député et le chef de district ;
– par le déblocage de 9 millions d’ariary par le Ministre coach à la dernière semaine de la propagande ;

Considérant d’une part que le requérant, par le biais de Me RANDRIANTSOTSY Fulgence, reconnaît lui-même qu’il lui est difficile d’apporter des preuves directes de ses moyens ;

Que d’autre part, il faut relever de la lecture linéaire du procès-verbal de constat d’huissier du 20 avril 2008 que les faits invoqués n’ont pas été constatés par l’huissier lui-même mais plutôt lui ont été rapportés par de tierce personne ;

Qu’en effet, dans son rapport, l’huissier affirme qu’il a appris les faits de personne digne de foi, des passants ; qu’il a croisé en chemin un taxi-brousse transportant les grands électeurs suivi par deux voitures 4×4 appartenant au candidat et à un député mais qu’il n’a pas eu le temps de les photographier ;

Considérant ainsi que le procès-verbal d’huissier versé au dossier ne peut constituer une preuve à l’appui de la présente requête ;

Considérant par ailleurs que dans la copie du procès-verbal des opérations électorales versée au dossier, une observation fait état du transport des maires TIM de leur hôtel au bureau de vote par une voiture appartenant au député ;

Considérant qu’en tout état de cause, les candidats sont libres de choisir leur moyen de déplacement et que le requérant n’apporte pas la preuve que le moyen de transport invoqué ait pu influencer le choix des électeurs ;

Considérant qu’il ressort des documents électoraux en possession de la Cour, confirmés par la copie du procès-verbal produite par le requérante, que les opérations électorales dans le bureau de vote se sont déroulées régulièrement en respect des principes de liberté, de personnalité et de secret du vote ;

Considérant que les témoignages écrits émanant de sieur Etienne RANDRIANAIVO et de sieur RAVELOJAONA Jean Christophe et consorts relatent les mêmes faits déjà invoqués et ne peuvent être considérés que comme de simples allégations ;

Considérant de tout ce qui précède qu’il échet de rejeter la requête comme non fondée ;

Par ces motifs,
A r r ê t e :

Article premier.- Est recevable la requête de sieur RAZAFIMILY Constance mais doit être rejetée comme non fondée.

Article 4.- Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en son audience privée tenue à Antananarivo le vingt neuf avril l’an deux mil huit à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.