La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme :

Considérant que par lettre n°02/06-PRM/CAB du 02 février 2006, le Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 121 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n°2005-035 autorisant la ratification du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale ;

Considérant que la saisine, régulière en la forme, est recevable ;

Au fond :

Considérant que le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale a été signé le 18 juillet 1998 à l’issue de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies ;

Que ladite Cour s’est fixé comme objectif de lutter contre les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les crimes d’agression et de mettre fin à l’impunité des personnes responsables de ces crimes ;

Qu’ainsi, elle détient compétence à réprimer des crimes qui menacent la paix mondiale et à prévenir de nouveaux crimes en se basant sur les principes posés par la Charte des Nations Unies sur le maintien de la paix mondiale ;

Considérant qu’en tout état de cause, d’une part, la Cour Pénale Internationale est complémentaire des juridictions pénales nationales et que, d’autre part, elle contribue au renforcement de la protection des droits et libertés fondamentaux universellement reconnus ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 82.3.VIII de la Constitution, en son alinéa 2, « Avant toute ratification, les traités sont soumis par le Président de la République au contrôle de constitutionnalité de la Haute Cour Constitutionnelle. En cas de non-conformité à la Constitution, il ne peut y avoir ratification qu’après révision de celle-ci » ;
Qu’il revient donc à la Cour de céans d’analyser les dispositions du Statut de Rome par rapport à celles de la Constitution, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité ;
Que si les engagements contenus dans le Statut signé comportent quelque clause contraire à la Constitution, mettant en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portant atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, l’autorisation de ratifier ledit Statut serait conditionnée par une révision préalable de la Constitution ;

Considérant qu’aux termes de l’article 27 du Statut de Rome traitant du défaut de pertinence de la qualité officielle :
« 1. Le présent statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de Chef d’Etat ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne » ;

Considérant qu’il en résulte, sans la moindre ambiguïté, que le Statut de Rome écarte l’application des régimes particuliers de responsabilité, des règles spéciales de procédure ainsi que du privilège de juridiction réservés aux chefs et aux membres d’institution tels que prévus aux articles 69, 81, 113 et 114 de la Constitution ;

Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 29 du Statut de Rome, les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas ;
Que les dispositions de cet article ne sont pas compatibles avec le principe de souveraineté nationale et de protection constitutionnelle et légale des droits et libertés fondamentaux des citoyens ;

Considérant, cependant, que le Statut de Rome, par l’affirmation de la primauté de la défense des droits de l’homme contre les actes criminels visés à l’article 5 dudit Statut et par la reconnaissance de la nécessité d’une justice internationale impartiale, n’est pas contraire à l’esprit de la Constitution qui, dès son préambule, a intégré dans l’ordonnancement juridique interne la Charte Internationale des Droits de l’Homme, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, les conventions relatives aux Droits de la Femme et de l’Enfant ;

Considérant que de par la complémentarité entre Cour Pénale Internationale et juridictions pénales nationales, le Statut de Rome s’applique uniquement pour les crimes relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale telle que fixée par l’article 5 dudit Statut et que, dans le cas contraire, la Constitution demeure applicable sans restriction et en toute souveraineté ;

Que de ce qui précède, pour que le Statut de Rome puisse être appliqué, il y a lieu de réviser la Constitution, soit par la modification des articles de la Constitution non compatibles avec ceux dudit Statut, soit par l’adjonction d’un article prescrivant l’application du Statut de Rome tel que signé le 18 juillet 1998 et concernant les crimes relevant de sa compétence ;

En conséquence,
D e c i d e :

Article premier.– La ratification du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale nécessite préalablement une révision constitutionnelle.

Article 2.– La loi n°2005-035 autorisant la ratification du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale ne peut être promulguée.

Article 3.– La présente décision sera publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mardi vingt-et-un mars l’an deux mil six à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON née RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA née RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA – FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA née RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en chef.