La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi

Considérant que par lettre n°031-CT/P/SG du 14 juin 2013, le Président du Congrès de la Transition saisit la Haute Cour Constitutionnelle, en application des dispositions de l’article 119 de la Constitution et de l’article 41, alinéa 6, de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle, pour lui demander son avis sur la constitutionnalité du projet de loi n°2013-012 régissant la vacance de la Présidence de la Transition, afin d’éclairer les membres du Congrès de la Transition sur la suite à y réserver ;

Considérant que le Président du Congrès expose :

Que par décret n°2013-012 du 12 juin 2013, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement d’Union Nationale a transmis au Congrès de la Transition  le projet de loi n°2013-012 du 12 juin 2013 régissant la vacance de la Présidence de la Transition, pour examen;

Qu’il est de principe général de droit qu’une norme inférieure soit conforme aux normes qui lui sont supérieures ; que l’article 166 de la Constitution dispose que « Jusqu’à l’investiture du nouveau Président de la République, l’actuel Président de la Haute Autorité de la Transition continue d’exercer les fonctions de Chef de l’Etat » ;

Que toujours aux termes de l’article suscité, « En cas de vacance de la Présidence, pour quelque cause que ce soit, les fonctions de Chef de l’Etat sont exercées collégialement par le Premier Ministre, le Président du Conseil Supérieur de la Transition et le Président du Congrès » ;

Que ces dispositions sont reprises par la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la IVème République en son article 3.4, alinéa 2 ;

Que le Président de la Transition, conformément au paragraphe 14 de la Feuille de route déjà insérée dans l’ordonnancement juridique interne par la loi n°2011-014 du 28 décembre 2011, est astreint à l’obligation de démissionner de sa fonction soixante (60) jours avant la date du scrutin, dans la mesure où il est candidat à l’élection du Président de la IVème République ;

Que le projet de loi n°2013-012 du 12 juin 2013, transmis par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, pour examen auprès du Congrès de la Transition, en édictant en son article 3 qu’ « en application des dispositions du paragraphe 14 de la Feuille de route, afin de pallier à toute éventualité de vide juridique, les fonctions de Chef de l’Etat sont exercées collégialement par le Gouvernement, à partir de la date de la constatation de vacance de la Présidence de la Transition jusqu’à l’investiture du nouveau Président de la République » ignore sciemment la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 ;

Qu’une loi ordinaire ne saurait déroger, sous peine de nullité, à la loi organique et à la Constitution ;

EN LA FORME

Considérant que dans le présent cas, le Président du Congrès de la Transition, se référant à l’article 119 de la Constitution, demande l’avis de la Haute Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité d’un projet de loi transmis au Congrès par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;

Considérant toutefois qu’en affirmant que le projet de loi est contraire tant à la loi organique n°2012-015 du 1er août 2012 relative à l’élection du premier Président de la Quatrième République en son article 3.4, alinéa 2, qu’à la Constitution en son article 166, alinéa 4, le Président du Congrès tend à faire déclarer par la Haute Cour Constitutionnelle l’inconstitutionnalité du projet de loi susvisé ;

Considérant dès l’abord qu’il échet de préciser que le contrôle de constitutionnalité de tout texte à valeur législative peut être effectué à la demande d’un Chef d’Institution en référence aux dispositions de l’article 118 de la Constitution, à la condition que ce texte relève de la compétence de ce dernier ; que tel n’est pas le cas pour un projet de loi émanant du pouvoir exécutif ;

Considérant d’emblée que l’examen du projet de loi auprès du Congrès de la Transition rentre dans la procédure législative ordinaire, c’est-à-dire dans la procédure normale d’élaboration des lois dont les étapes à suivre sont clairement prescrites par la Constitution ;

Considérant que la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar qui régit la transition, tout en reconnaissant au Parlement de Transition le pouvoir de légifération par la proposition et l’adoption de la législation permanente, n’a pas pour autant réglementé une procédure spécifique relative à l’élaboration des lois en période de transition ;

Considérant que la procédure législative est organisée par les articles 86 et suivant de la Constitution et auxquels il importe de se référer ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, en transmettant le projet de loi au Congrès de la Transition par le décret n°2013-424 du 12 juin 2013, a exercé son droit d’initiative  des lois, après délibération en conseil des ministres, pour déposer le projet sur le bureau du Congrès ;

Considérant que le projet de loi, en application de l’article 96, alinéa premier, de la Constitution, doit être examiné en premier lieu par le Congrès de la Transition devant lequel il a été déposé puis transmis au Conseil Supérieur de la Transition ;

Considérant qu’un éventuel examen d’un projet de loi arrêté en conseil des ministres, demandé par le Parlement, risque d’être un blocage nuisible au bon fonctionnement de la procédure législative et constitue un empiètement de compétence de la Haute Juridiction sur celle du Parlement ;

Considérant que suite à son adoption par le parlement de la Transition, avant sa promulgation, la loi est obligatoirement soumise par le Président de la Transition à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur sa conformité à la Constitution et ce, conformément aux dispositions de l’article 117, alinéa premier, de la Constitution ;

Considérant qu’il ressort de tout ce qui précède que d’une part, la Haute Cour Constitutionnelle n’est pas habilitée à se substituer à une assemblée du Parlement de la Transition dans l’examen d’un projet de loi et que d’autre part, la Haute Juridiction ne peut intervenir qu’ultérieurement par le moyen du contrôle de constitutionnalité de la loi adoptée avant sa promulgation ;

Considérant que le seul cas permettant au Président du Congrès de saisir la Haute Cour Constitutionnelle au cours d’une procédure législative ordinaire est celui où le Gouvernement oppose au Congrès l’irrecevabilité d’une proposition de loi ou d’un amendement, la procédure y afférente étant fixée par l’article 59 du règlement intérieur du Congrès de la Transition ;

Qu’il en est ainsi quand le Président du Congrès n’admet pas l’irrecevabilité que lui oppose le Gouvernement avant le commencement de la discussion en séance publique ;

Qu’il en est de même lorsque l’irrecevabilité est opposée au cours de la discussion et qu’à la suite survient un désaccord entre le Gouvernement et le Président du Congrès de la Transition ;

Considérant en conséquence que la Haute Cour Constitutionnelle ne peut donner suite à la demande d’avis du Président du Congrès de la Transition concernant la constitutionnalité du projet de loi ;

En conséquence,

Emet l’avis que:

 

Article premier.- La Haute Cour Constitutionnelle n’est pas habilitée à émettre au préalable un avis sur la constitutionnalité d’un projet de loi dans le respect de la procédure législative fixée par la Constitution.

Article 2.- Le présent avis sera publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mardi dix-huit juin l’an deux mil treize à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
M  RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.