La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 concernant la loi n°2017-023 relative aux Zones Economiques Spéciales ;
Vu la lettre n°164-AN/P/SG/18 du 13 juillet 2018 du Président de l’Assemblée Nationale ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
EN LA FORME

1. Considérant que par lettre n°059-PRM/SG/DEJ-18 en date du 18 avril 2018, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2017-023 relative aux Zones Economiques, préalablement à sa promulgation, conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa premier de la Constitution ;

2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle «… statue sur la conformité à la Constitution et des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes… »; que d’après l’article 117 de la même Constitution, «avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution… » ;

3. Considérant que la loi n°2017-046 a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives des 21 mars et 03 avril 2018 ;

4. Considérant qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite par le Président de la République est régulière et recevable ;

AU FOND

5. Considérant que par sa Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 concernant la loi n°2017-023 relative aux Zones Economiques Spéciales, la Haute Cour Constitutionnelle avait :
– en son article premier, décidé que les articles 06, 17 et 39 alinéas 2 de la loi n°2017-023 qui lui était soumise pour contrôle de constitutionnalité, étaient contraires à la Constitution,
– en son article 2, jugé que, la dernière phrase de l’article 17, la première phrase et le terme « en contrepartie » de la deuxième phrase de l’article 82 de la loi étaient contraires à la Constitution,
-en son article 3, décidé que sous les réserves énoncées aux Considérants 1, 14, 23, 24 et 30, les autres dispositions de la loi déférée étaient conformes à la Constitution ;
Concernant l`article 6

6. Considérant qu’il a été jugé suivant la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 que la superficie minimum d’une ZES ne relève pas du domaine du règlement mais de celui de la loi ; que la nouvelle version de l’article 6 de la loi, en disposant que « la superficie minimale d’une ZES est fixée à cent hectares », est conforme aux dispositions de l’article 95. 12de la loi fondamentale. ;

Concernant l’article 17

7. Considérant que si, d’après la première version de la loi déférée, la dernière phrase de l’article 17 prévoyant que les modalités d’application de la délégation seront précisées par des Protocoles d’Accord, ledit article dispose désormais que « Cette délégation se fera par un acte règlementaire pris par l’administration concernée » , et respectant ainsi le principe de la souveraineté de l’Etat emportant la défense de la délégation de la fonction régalienne de l’Etat ,tel qu’il est exposé dans la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 ;

Concernant l’article 39
8. Considérant que l’ancienne version de l’article 39 a prévu en son alinéa 2 que « Les demandes provenant des guichets uniques sont traitées en priorité par tous les services concernés dudit ministère » ; qu’une telle disposition jugée par la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 comme rompant l’égalité de tous devant le service public, n’a plus été reprise dans la nouvelle version de l’article 3 ;

Concernant l’article 82
9. Considérant que l’article 82 de la loi déférée, en tenant compte de la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 préconisant la suppression du terme « la contrepartie », est ramené aux dispositions suivantes : « Les CTD concernées par les ZES bénéficient d’un pourcentage de deux pour cent sur les ressources perçues par l’AZES provenant des ZES implantées dans lesdites collectivités, suivant la procédure de comptabilité publique en vigueur. Les entreprises ZES et les développeurs de ZES bénéficieront d’incitation fiscale pour la formation des travailleurs au sein de la ZES, lesquelles seront précisées dans la loi des finances » ; que ledit article est jugé conforme aux dispositions de l’article 147 de la loi fondamentale ;

Concernant les réserves relatives au titre III
10. Considérant que les réserves émises concernent la composition et le mode de nomination des membres de l’AZES qui devront figurer dans le Titre III de la présente loi ont été précisées : dans l’article 3 de la loi déférée pour le critère de base, dans l’article 4 pour l’initiative publique ou privée, dans l’article 5 pour l’initiative publique et à l’appel d’offre, ainsi qu’à l’initiative privée et à la soumission près des AZES ;

Concernant les réserves portant sur les articles 15 et 16
11. Considérant que les précisions quant à la composition des représentants de l’Etat au sein du guichet unique aussi bien central qu’au niveau de chaque ZES ainsi que l’établissement et l’organisation du guichet unique, sont apportées par l’article 15 de la loi déférée quant à la composition et des ministères représentés, et de l’article 16 de la ite loi sur le guichet central et aux guichets uniques auprès de chaque ZES ;
Concernant les réserves relatives à l’article 31 alinéa 2
12. Considérant que le libellé de l’article 31 alinéa 2 disposant que « les entreprises ZES peuvent embaucher des cadres ou des cadres supérieurs expatriés en tant que de besoin » n’a pas été pas modifié ; que la Haute Cour réitère, comme il a été exposé dans la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018 que les termes « en tant que de besoin » en rapport avec l’embauche de compétences étrangères, doivent être interprétés dans le sens de « faute de compétences nationales » ;
Concernant les réserves portant sur l’article 46
13. Considérant que les réserves émises portant sur le caractère exceptionnel du travail de nuit des femmes et la nécessité d’un accord collectif pour y parvenir ont été retenues dans la version de l’article 46 de la loi déférée ; qu’ainsi la nouvelle version qui dispose que « … le régime est fixé sur la base d’un accord collectif et suite à une consultation préalable des organisations représentatives des employeurs et travailleurs de l’entreprise, conformément aux dispositions de l’article I du Protocole de 1990 relatif à la convention 89 concernant le travail de nuit des femmes », respecte le droit fondamental de la femme travailleuse et consacrée par les normes internationales du travail ;
Concernant les réserves relatives à l’article 90
14. Considérant que suivant la Décision n°01-HCC/D3 du 17 janvier 2018, la Haute Cour Constitutionnelle préconise le recadrage de l’article 90 de la loi déférée dans la perspective de la politique monétaire et la politique des changes de l’Etat et qu’elle entend le réitérer dans la présente Décision ;

EN CONSEQUENCE
DECIDE :

Article premier. Sous les réserves d’interprétation énoncées aux Considérants 12 et 14 sur les articles 90 et 31, les dispositions de la loi n°2017-023 relative aux Zones Economiques Spéciales sont conformes à la Constitution.
Article 2. La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le samedi onze août l’an deux mille dix-huit à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne ;
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller ;
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère ;
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère ;
Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.