La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;
Vu le Code général des impôts ;
Vu le Code des douanes ;

Vu l’Avis n°07-HCC/AV du 07 septembre 2018 relatif à une demande d’avis sur les attributions courantes du Président de la République ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

SUR LA FORME

1.Considérant que par lettre n°149/PRM/SG/DEJ-18 du 18 décembre 2018, Le Président de la République par intérim, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de contrôle d constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de l’ordonnance n°2018-001 du 17 décembre 2018 portant loi de finances pour 2019 ;

2.Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes »et que selon l’article 117 de la loi fondamentale, « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur la conformité à la Constitution» ;

3.Considérant, d’une part, que la matière objet de l’ordonnance soumise au contrôle de constitutionnalité, relève du domaine législatif en vertu des articles 87, 90, 92, 95, 116 et 117 de la Constitution ; que le Parlement autorise chaque année par le vote du budget les dépenses et les recettes de l’Etat ; que d’autre part, l’article 92 alinéa premier de la Constitution dispose que « le Parlement examine le projet de Loi de finances au cours de sa seconde session ordinaire » ; que le quatrième alinéa du même article impose que le projet de loi de finances soit examiné en premier par l’Assemblée Nationale ;

4.Considérant que suivant l’alinéa 2 de l’article 52 de la Constitution, « dès la constatation de la vacance de la présidence, les fonctions du Chef de l’Etat sont exercées par le Président du Sénat » ; que l’esprit de la Constitution vise manifestement la continuité des institutions et est par voie de conséquence favorable à l’attribution au Président de la République par intérim des pouvoirs nécessaires pour atteindre cet objectif ; que ces derniers sont applicables en matière de lois de finances ;

5.Considérant qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite parle Président de la République par intérim est régulière et recevable ; qu’ainsi,l’ordonnance n° 2018-001 portant Loi de Finances pour 2019 est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ;

6.Considérant que le contrôle de constitutionnalité des lois de finances s’exerce en référence à la Constitution, à la loi organique sur les lois de finances,tel que prévu implicitement par l’article 90 de la Constitution ; quel’exercice de ce contrôle par la Haute Cour Constitutionnelle est soumis à des principes constitutionnels ;

SUR L’ADOPTION DE LA LOI DE FINANCES PAR VOIE D’ORDONNANCE

7.Considérant que les lois de finances sont des lois ordinaires, mais qui sont adoptées selon une procédure spéciale ; que la Constitution a fixé un délai d’examen spécifique pour les lois de finances ; qu’aux termes de l’article 92 de la Constitution , en son alinéa premier «le Parlement examine le projet de loi de finances au cours de sa seconde session ordinaire » ; qu’il dispose d’un délai maximum de soixante jours pour l’examiner, conformément à l’alinéa 2 de l’article 92 de la Constitution ;que selon l’article 68 de la Loi Fondamentale , « le Parlement comprend l’Assemblée Nationale et le Sénat » ;

8.Considérant que l’article 46 de la loi organique n° 2004-007 du 26 juillet 2004 dispose que « le projet de loi de Finances de l’année, y compris le rapport et les annexes explicatives prévues à l’article 44, est déposé et distribué au plus tard le 30 octobre de l’année qui précède l’année d’exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l’examen de la commission des finances de l’Assemblée nationale » ;

9.Considérant que le projet de loi de finances pour 2019 a été déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 29 octobre 2018 et ce conformément aux prescriptions de l’article 46 de la loi organique n° 2004-007 du 26 juillet 2004 sus visée ;

10.Considérant que l’article 87 de la Loi fondamentale précise que « les lois organiques, les lois de finances et les lois ordinaires sont votées par le Parlement dans les conditions fixées par la présente Constitution » ; qu’aux termes de l’article 96 de la Constitution, « Tout projet ou proposition de loi est examiné en premier lieu par l’Assemblée devant laquelle il a été déposée puis transmis à l’autre Assemblée (…) ; que   la discussion a lieu successivement jusqu’à l’adoption d’un texte unique (par les deux chambres) » ; que pour les projets de  lois autres que le projet de loi de finances , une commission mixte paritaire est instituée en l’absence d’un texte unique ; que l’Assemblée Nationale statue définitivement à la majorité absolue des membres la composant à défaut d’un texte commun adopté par la commission mixte paritaire » ;

11.Considérant qu’en ce qui concerne le projet de loi de finances, la Constitution a mis en place une procédure exceptionnelle ; que l’alinéa 7 de l’article 92 prévoit que « si le Parlement n’a pas adopté le projet de loi de finances avant la clôture de la seconde session, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par voie d’ordonnance en incluant un ou plusieurs des amendements adoptés par les deux Assemblées »;

12.Considérant qu’à l’issue des examens effectués par le Parlement au cours de la seconde session ordinaire de l’année 2018, les deux Chambres ne sont pas parvenues à adopter un texte unique ; qu’ainsi la procédure législative relative à l’adoption de l’ordonnance n° 2018-001 portant loi de finances pour 2019 doit être déclarée conforme à la Constitution ;

SUR LES AMENDEMENTS PARLEMENTAIRES EN MATIERE DE LOI DE FINANCES

13.Considérant que le droit d’amendement est le droit de soumettre au vote des assemblées parlementaires des modifications aux textes dont elles sont saisies,qu’il s’agisse de projets de loi (d’initiative gouvernementale), ou de propositions de loi (d’initiative parlementaire) ; qu’il peut être considéré comme un « prolongement » du droit d’initiative législative ;

14.Considérant que la procédure d’amendement d’un projet de loi ordinaire autre que le projet de loi de finances est fixé par l’article 86 de la Constitution ;que la procédure d’amendement parlementaire d’un projet de loi de finances est soumis à des règles strictes fixées par l’article 92 de la Loi fondamentale ainsi que par les dispositions de l’article 49 de la loi organique n°2004–007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ; que tout amendement au projet de budget entraînant un accroissement des dépenses ou une diminution des ressources publiques doit être accompagné d’une proposition d’augmentation de recettes ou d’économie équivalente ; que les amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ; que, toutefois, un  amendement tendant à diminuer une ressource publique est recevable sous réserve qu’il soit gagé par une augmentation à due concurrence d’une autre ressource publique ;  

15.Considérant , par ailleurs, qu’à l’issue de l’examen du projet de loi de finances par le parlement, le  vote de la loi de Finances par le Parlement doit obéir à des règles précises conformément aux dispositions de l’article 48 de la loi organique sus visée ; que la discussion des crédits du Budget Général de l’Etat donne lieu à un vote par ensemble de missions au sein d’un ministère ; que les votes portent à la fois sur les autorisations d’engagement et sur les crédits de paiement ; que  les plafonds des autorisations d’emplois font l’objet d’un vote unique ;  qu’ un amendement consistant à procéder à une compensation dans le domaine des charges publiques est proscrit ;

SUR LE PRINCIPE DE L’EGALITE DEVANT L’IMPÔT ET DU PRINCIPE DE SINCERITE BUDGETAIRE

16.Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle est juge de la cohérence de la loi de finances avec la Constitution et la loi organique sur les lois de finances; qu’elle se doit notamment de vérifier le respect du principe de l’égalité devant l’impôt et celui de la sincérité budgétaire ;

17.Considérant que l’article 6 de la Loi fondamentale dispose que « la loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse » ; que la perception de l’impôt est régie par la loi de finances et obéit au principe d’égalité devant la loi; que les dispositions relatives à la fiscalité et à la répartition des charges publiques de l’ordonnance déférée ne montrent aucune rupture de l’égalité devant la loi ;

18.Considérant que selon l’article 42 de la loi organique n°2004-007 sur les lois de finances, « les Lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat.»; que ce principe de sincérité budgétaire implique l’exhaustivité,la cohérence et l’exactitude des informations financières fournies par l’Etat ;que l’application de ce principe est cependant limitée par la nature prévisionnelle de la loi de finances; que l’article 42 précité précise lui-même que « leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; que le principe de sincérité budgétaire interdit à l’Etat de sous-estimer les charges ou de surestimer les ressources qu’il présente dans la loi de finances ; qu’a priori, dans le cadre de la loi de finances de l’année ( loi de finances initiale), la Haute Juridiction se limite à vérifier si les appréciations qui avaient été faites dans le projet de loi de finances concernant les ressources et les charges ne comportaient pas d’erreur manifeste, de prévisions incohérentes et de vices de formes ; que la vérification sera ultérieurement complétée par le contrôle de la loi dérèglement par la Haute Cour sur la base du rapport de la Cour des Comptes ; quel’examen des prévisions de recettes et l’évaluation des dépenses publiques rendent compte de leur exhaustivité et de leur pertinence par rapport aux objectifs fixés ;

19.Considérant que l’ordonnance n°2018-001 portant loi des finances pour 2019 a retenu l’amendement proposé par le Parlement, relatif à l’institution des droits additionnels dans le cadre de l’application des mesures correctives commerciales n’affectant pas l’équilibre budgétaire et en respect de l’alinéa 8 de l’article 92 de la Constitution ;

20.Considérant ainsi que les termes de l’ordonnance n°2018-001 portant loi de finances 2019 ne contiennent aucune disposition contraire à la loi fondamentale et doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE,
DECIDE

Article premier. – Les dispositions de l’ordonnance n°2018-001 portant loi de finances pour 2019 sont conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2. – La présente décision sera notifiée au Président de la République par intérim, au Président du Sénat par intérim, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi vingt-quatre décembre l’an deux mil dix-huit à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président
Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne
Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller
Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller
Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère
Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller
Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller,

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère,

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.