La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Vu l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat ;
Vu la loi n°2000-014 du 24 août 2000 portant Code électoral ;
Vu le décret n°2008-306 du 28 février 2008 fixant le nombre des membres du Sénat, la répartition des sièges dans chaque Région et le découpage des circonscriptions électorales ;
Vu le décret n°2008-307 du 28 février 2008 portant convocation du collège électoral pour les élections des membres du Sénat ;
Vu le décret n°2008-309 du 28 février 2008 fixant les conditions d’application de l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat ;
Vu l’arrêt n°01-HCC/AR du 11 avril 2008 portant liste des candidats à l’élection des membres du Sénat du 20 avril 2008 ;
Vu l’arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice nommant les magistrats présidents des commissions de recensement matériel des votes ;
Vu les arrêtés des Directeurs de l’Administration Générale et Territoriale des Régions fixant la liste et l’emplacement des bureaux de vote ;
Vu les documents électoraux et procès-verbaux émanant des commissions de recensement matériel des votes ;
Ouï Mesdames et Messieurs les Hauts Conseillers Constitutionnels en leurs rapports respectifs ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 112, in fine, de la Constitution, « Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique …. Statue sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République, des élections des députés et des sénateurs » ;

Considérant que selon les dispositions de l’article 33 de l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat, « La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation qui pourrait s’élever en matière d’élection des membres du Sénat.
Elle est seule compétente pour apprécier la nullité totale ou partielle qui pourrait résulter de l’omission de formalités substantielles. Lors du contrôle de la légalité des procès-verbaux des bureaux de vote et des commissions de recensement matériel des votes, la Haute Cour Constitutionnelle, en l’absence de tout recours, peut se saisir d’office lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation des dispositions législatives ou réglementaires, ou pour des motifs d’ordre public » ;

Que l’article 50 du décret n°2008-309 du 28 février 2008 fixant les conditions d’application de l’ordonnance n°2008-002 du 27 février 2008 portant loi organique relative au Sénat dispose que « La Haute Cour Constitutionnelle, dans les sept jours qui suivent la réception du dernier pli fermé émanant de la dernière commission de recensement matériel des votes et après contrôle de l’observation des lois et règlements, procède en audience solennelle à la proclamation des résultats des élections » ;

Que ce dernier pli, en provenance de la commission de recensement matériel des votes de Betsiboka étant parvenu au siège de la juridiction le mercredi 23 avril 2008, la proclamation effectuée ce jour rentre bien dans le délai prescrit ;

Considérant qu’à l’issue des opérations de contrôle matériel des votes et du contrôle de légalité, aucune irrégularité n’a pu être constatée ;

En ce qui concerne les requêtes :

Considérant, d’une part, que par requête en date du 20 avril 2008, sieurs MAMINIRINA Josoa Eugène et RANDRIAMAHAROSON Joëlson, délégués de la liste « Mania Miraihina », demandent l’annulation des résultats de l’élection des membres du Sénat dans le bureau de vote du district de Manandriana, circonscription électorale d’Amoron’i Mania, aux motifs que les électeurs se sont rendus au bureau de vote à bord de véhicules appartenant au responsable local du parti « Tiako i Madagasikara » et que les opérations électorales ont débuté à 09 h 15 minutes pour se terminer à 09 h 50 minutes contrairement à la réglementation qui fixe l’heure de fermeture à 16 heures ; que cela constitue une contrainte morale exercée sur les électeurs ;

Que, d’autre part, par requête du 20 avril 2008, sieur RAZAFINDRABE Jean Richard Benoît, mandataire du candidat RAKOTOZANDRINDRAINY Rasoamampionona de la liste « Mania Miraihina », demande l’annulation des résultats de l’élection des membres du Sénat dans les bureaux de vote des districts de Manandriana et Ambatofinandrahana, pour les mêmes faits que ci-dessus ;

Qu’enfin, sieur RAKOTOMANGA Martin, délégué du candidat RAKOTOZANDRINDRAINY Rasoamampionona, par requête en date du 20 avril 2008, demande également l’annulation des résultats dans le bureau de vote du district d’Ambatofinandrahana, pour les mêmes motifs ;

Considérant que le collège électoral pour les élections sénatoriales est composé uniquement d’élus que sont les maires et les conseillers régionaux ; que de ce fait, le collège électoral de chaque district est nécessairement en nombre réduit quelle que soit l’étendue de la circonscription ;

Considérant qu’en tout cas, les électeurs sont libres de choisir les moyens de transport qui leur semblent opportuns pour se rendre au bureau de vote, individuellement ou collectivement ;

Considérant que lorsque tous les électeurs inscrits sur la liste électorale ont rempli leur devoir civique, rien ne pourrait s’opposer à ce que les membres du bureau de vote procèdent à la clôture des travaux avant l’heure légalement prévue ;

Qu’ainsi, des mesures pratiques d’organisation du scrutin ne sauraient être considérées comme constituant des contraintes directes ou indirectes portant atteinte à la liberté de choix des électeurs dès lors que les opérations électorales à l’intérieur du bureau de vote se sont déroulées conformément aux prescriptions du Code électoral quant au caractère libre, personnel et secret du vote ;

Qu’il y a lieu de rejeter les requêtes basées sur de simples présomptions ;

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Considérant que par requête en date du 20 avril 2008, sieur BERNARSON, délégué de la liste « Tragnambolava » présentée dans le district de Manakara, Région Vatovavy Fitovinany, demande l’application de la loi pour des faits qu’il estime contraires à la législation en vigueur ;

Qu’aux motifs de sa requête il expose que 25 maires ont déjeuné ensemble le 19 avril 2008, sous la conduite du sieur GISCARD, maire de Manakara ; que le même maire a officié en tant que scrutateur lors du dépouillement et que trois autres maires des communes de Mangatsiotra, Betampona et Ampasimanjeva sont venus voter en l’absence de convocation ;

Considérant, d’une part, que le requérant n’est pas en mesure d’apporter la preuve que le fait pour les 25 maires d’avoir déjeuné ensemble la veille du scrutin a eu une incidence directe et certaine sur l’issue et la sincérité du scrutin ;

Que de surcroît, en sa qualité de délégué de candidat désigné pour être présent dans le bureau de vote le jour du scrutin, il ne peut constater que des faits qui s’y sont passés et ne saurait dès lors se prévaloir de faits survenus la veille du jour du scrutin ou à l’extérieur dudit bureau de vote ;

Considérant, d’autre part, que le maire a la qualité d’électeur et qu’il est de règle que les scrutateurs sont désignés parmi les électeurs présents ;

Considérant, enfin, que pour l’élection des membres du Sénat du 20 avril 2008, les électeurs ont été convoqués aux urnes par tous les moyens de communication disponibles ; qu’il ressort de l’instruction du dossier que les maires supposés non convoqués ont pu régulièrement voter ; qu’en tout cas, la convocation ne figure pas parmi les pièces requises pour voter du moment qu’ils sont inscrits dans la liste électorale ;

Qu’ainsi, les moyens ci-dessus invoqués sont inopérants ;

Que par conséquent, il y a lieu de rejeter la requête comme non fondée ;

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Considérant que par requête non datée enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle dans le délai prescrit, sieurs ABDOUH Yakoub et BEMAZAVA Gérard, délégués du candidat RAKOTOMAMONJY Jean Max, requièrent l’application de la loi à l’encontre du député HERY de Vohémar aux motifs que ce dernier a transporté les électeurs par voiture jusqu’au bureau de vote puis les a ramenés chez eux pour les interroger sur le choix qu’ils ont fait ;

Considérant que les requérants ne rapportent pas la preuve que les faits invoqués survenus à l’extérieur du bureau de vote ont eu une incidence directe sur le vote des électeurs et ont altéré la sincérité du scrutin ;

Qu’il y a lieu de rejeter la requête comme non fondée ;

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Considérant que par requête en date du 20 avril 2008, le candidat RAKOTOARISON Faraniaina Yves Aimé demande l’annulation des résultats du scrutin dans le bureau de vote du district de Betroka aux motifs que le Chef du district de Betroka a contraint les électeurs à voter pour le candidat du parti « Tiako i Madagasikara », d’une part en menaçant les maires, dont l’élection est encore en litige devant la Cour Suprême, de révocation et de poursuite par le Bianco et, d’autre part, en leur promettant une récompense constituée d’une somme d’argent, d’un téléphone portable et d’un sac pour dame, sur présentation du bulletin du requérant non versé dans l’urne ;

Considérant que le témoignage de cinq maires venus se présenter au siège de la Haute Cour Constitutionnelle ne constitue par une preuve suffisante pour établir avec certitude que les électeurs ont voté sous la contrainte ;

Qu’à part les témoins cités par le requérant, aucun autre électeur ne s’est manifesté pour soutenir que son choix a été imposé ;

Qu’en outre, il ressort de l’instruction que bien que les témoins aient affirmé avoir été en connaissance des griefs invoqués avant la date du scrutin, ni le requérant ni lesdits témoins n’ont estimé nécessaire de saisir les autorités compétentes ;

Considérant enfin et en tout état de cause que les documents électoraux en possession de la Cour de céans, signés par le délégué du requérant et par les témoins en leur qualité de scrutateurs, attestent que les opérations électorales se sont régulièrement déroulées dans le bureau de vote ;

Qu’ainsi, les allégations avancées ne suffisent pas à établir qu’il y a eu altération de la sincérité du scrutin ;

Qu’il y a lieu de rejeter la requête comme non fondée ;

Par ces motifs,
La Haute Cour Constitutionnelle
A r r ê t e :

Article premier.- Sont recevables mais doivent être rejetées comme étant non fondées les sept requêtes présentées par sieurs MAMINIRINA Josoa Eugène et RANDRIAMAHAROSON Joëlson, RAZAFINDRABE Jean Richard Benoît, RAKOTOMANGA Martin, BERNARSON, ABDOUH Yakoub et BEMAZAVA Gérard, MAMINIRINA Josoa Eugène, RAKOTOARISON Faraniaina Yves Aimé.

Article 2.- Sont proclamés officiellement comme suit les résultats et les élus membres du Sénat :

Article 3.- Est ordonné le remboursement des frais d’impression des bulletins de vote aux candidats ayant obtenu au moins dix pour cent des suffrages exprimés.

Article 4.- Le présent arrêt sera publié au journal officiel de la République et affiché au siège de la Cour de céans.

Ainsi délibéré en son siège pour être proclamé en audience publique le vendredi vingt cinq avril l’an deux mil huit à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

M. RAJAONARIVONY Jean-Michel, Président
M. IMBOTY Raymond, Haut Conseiller – Doyen
Mme RAHALISON RAZOARIVELO Rachel Bakoly, Haut Conseiller
M. RABENDRAINY Ramanoelison, Haut Conseiller
M. ANDRIAMANANDRAIBE RAKOTOHARILALA Auguste, Haut Conseiller
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller
M. RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller
M. RAKOTONDRABAO ANDRIANTSIHAFA Dieudonné, Haut Conseiller
Mme DAMA RANAMPY Marie Gisèle, Haut Conseiller

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.