La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi n°2019-001 du 15 février 2019 déléguant le pouvoir de légiférer au Président de la République ;

Vu la Décision n°05-HCC/D3 du 13 février 2019 concernant la loi n°2019-001 déléguant le pouvoir de légiférer au Président de la République ;

Vu la Décision n°08-HCC/D3 du 14 mai 2019 concernant l’ordonnance n°2019-002 du 15 mai 2019 relative au régime général des élections et des référendums ;

Vu la Décision n°10-HCC/D3 du 25 mai 2019 concernant l’ordonnance n°2019-006 du 28 mai 2019 relative au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;

Vu la Décision n°15-HCC/D3 du 9 juillet 2019 concernant l’ordonnance n° 2019- 009 du 22 juillet 2019 relative au Code minier ;

Vu la Décision n°04-HCC /D3 du 5 février 2020 relative à une requête aux fins de caducité d’ordonnances prises en Conseil des Ministres par le Président de la République ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

SUR LA FORME

  1. Considérant que par lettre n°186-PRM/SG/DEJ-20 du 2 septembre 2020, le Président de la République a saisi la Haute Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité préalablement à sa promulgation, de la loi n° 2020-012 portant ratification des ordonnances :
  • n°2019-002 du 15 mai 2019 portant loi organique modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2018- 008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;
  • n°2019-006 du 28 mai 2019 portant loi organique modifiant certaines dispositions de la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant les règles  relatives  au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
  • n°2019- 009 du 22  juillet 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi modifiée n° 99-022 du 19 août 1999 portant code minier ;
  1. Considérant que d’après l’alinéa premier de l’article 116 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que l’article 117 alinéa premier de la Constitution dispose  que : « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
  1. Considérant qu’en l’absence d’un texte commun établi par les deux Chambres du Parlement, la loi n°2020-012 a été adoptée définitivement par l’Assemblée Nationale en sa séance du 1er septembre 2020 ;
  1. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ladite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ; que la saisine introduite par le Président de la République doit être déclarée recevable ;

SUR LE FOND

  1. Considérant que la Constitution a notamment prévu trois catégories de recours aux ordonnances, à savoir, en premier lieu le recours aux ordonnances sur la base d’une délégation de pouvoir accordée par le Parlement (article 104 ), en deuxième lieu l’emploi des ordonnances en vertu de pleins pouvoirs notamment en ce qui concerne le cas de situations d’exception, (article 61, alinéa 3), celui de la non adoption de projet de loi organique avant la clôture de session (article 89-2°), celui de la non adoption du projet de loi de finances avant la clôture de la seconde session (article 92, alinéa 7), et en troisième lieu, l’usage dérogatoire des ordonnances autorisé par la Constitution en son article 165, pour la mise en place des institutions et organes de la transition ;
  1. Considérant que les ordonnances énumérées au considérant 1 sont prises sur la base d’une délégation de pouvoir prévue à  l’article 104 de la Constitution ; que la ratification de ces ordonnances est soumise à des règles précises ;

SUR LA PROCEDURE

  1. Considérant que la procédure de ratification des ordonnances sur la base de l’article 104 de la Constitution comporte essentiellement deux étapes :
  • Le dépôt du projet de loi de ratification ;
  • L’adoption de la loi de ratification ;

I-SUR LE DEPOT DU PROJET DE LOI DE RATIFICATION

8.Considérant que les ordonnances prises sur la base de l’article 104 de la Constitution demeurent de simples actes de formes règlementaires tant que la ratification législative n’est pas intervenue et à la condition qu’elles aient fait l’objet du dépôt du projet de loi de ratification ; que ces ordonnances relèvent de la procédure législative déléguée ; que le défaut de dépôt de projet de loi de ratification dans le délai prévu, entraîne en effet la caducité des ordonnances ;

  1. Considérant que conformément à la décision n°04-HCC/D3 du 5 février 2020 de la Cour de céans relative à une requête aux fins de caducité d’ordonnances prises en Conseil des Ministres par le Président de la République , un  projet de loi n°001/2020 du 26 février 2020 « autorisant  la ratification des ordonnances »   n°2019-002 du 15 mai 2019 portant loi organique modifiant et complétant la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums,  n°2019-006 du 28 mai 2019 portant loi organique modifiant certaines dispositions de la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant les règles relatives au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar, n°2019-009 du 22 juillet 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi modifiée n°99-022 du 19 août 1999 portant Code minier, a été déposé sur le bureau du Parlement ; que dès lors, il n’y a plus lieu de soulever la caducité de ces  ordonnances ;

II-SUR L’ADOPTION DE LA LOI DE RATIFICATION

10.Considérant que le juge constitutionnel a subordonné la validité légale des ordonnances prises en Conseil des Ministres, sous le fondement de l’article 104 de la Constitution, à une ratification ultérieure par le Parlement ; qu’en effet seule la ratification donne une valeur législative aux ordonnances édictées et permet leur maintien en vigueur ;

II.1. Sur la procédure normale de la navette

  1. Considérant que l’article 96 de la Constitution dispose que « Tout projet ou proposition de loi est examiné en premier lieu par l’Assemblée devant laquelle il a été déposé puis transmis à l’autre Assemblée. La discussion a lieu successivement dans chaque Assemblée jusqu’à l’adoption d’un texte unique » ; que cette procédure conduisant à l’adoption définitive d’un projet ou d’une proposition de loi consiste en un mouvement de va-et-vient du texte entre les deux Assemblées, qualifié de navette ; que cette dernière perdure jusqu’à l’adoption d’un texte en termes identiques par les deux chambres parlementaires ; que ce texte à caractère définitif constitue le texte de loi ; 

II.2. Sur la procédure de conciliation entre les deux Assemblées

  1. Considérant qu’en cas de désaccord persistant entre les deux Assemblées, la Constitution a institué une procédure de conciliation permettant au gouvernement d’accélérer le vote définitif d’un texte en interrompant le cours normal de la navette ; que le mécanisme de cette procédure de conciliation est précisé par l’article 96 alinéa 3 de la Constitution : «  Lorsque par suite d’un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adoptée après deux lectures par chaque Assemblée ou si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’elle, le Premier Ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ; 
  1. Considérant que la procédure de ratification des ordonnances sur la base de l’article 104 de la loi fondamentale est similaire à la procédure d’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi ; qu’elle consiste ainsi en la lecture, l’examen du texte composant les ordonnances concernées par les deux Chambres du Parlement ; que les ordonnances sont considérées comme ratifiées si après lecture, elles sont adoptées par l’Assemblée Nationale et le Sénat ;
  1. Considérant, toutefois, que lors de la session extraordinaire du Parlement   du 4 au 15 mars 2020 prévue pour la ratification des ordonnances sus-énumérées, à l’issue de deux lectures par chacune des deux chambres, un désaccord persistait pour l’adoption d’un texte définitif  relatif au projet de loi n°001/2020 du 26 février 2020 sus-cité ; que la convocation de la réunion d’une Commission mixte paritaire par le Premier Ministre  en vue de la procédure d’adoption d’un texte commun est conforme aux dispositions de l’article 96 de la loi fondamentale ; que la Commission mixte paritaire  est compétente pour débattre du projet de loi de ratification ;

II.3. Sur l’échec de la conciliation

  1. Considérant que la procédure paritaire peut ne pas aboutir à une conciliation des deux chambres ; qu’en droit parlementaire, une des raisons de l’échec est que la Commission mixte paritaire n’a pas pu surmonter le désaccord entre les deux chambres, soit parce que les désaccords de fond ne permettent pas de trouver une position transactionnelle, soit parce qu’il existe une opposition politique entre leurs majorités respectives, telles que les orientations inscrites dans les textes litigieux ne se prêtent à aucun compromis ;
  1. Considérant qu’à l’issue de sa réunion, la Commission mixte paritaire sus évoquée n’a pas pu adopter un texte commun ; que la non adoption d’un texte de consensus par la Commission mixte paritaire forme un échec de la procédure de conciliation mais ne constitue en rien un obstacle pour la suite de la procédure prévue par l’article 96 de la Constitution ;
  1. Considérant que, lorsque la procédure paritaire n’aboutit pas, la navette pourrait reprendre ; que cependant l’alinéa 4 de l’article 96 de la Constitution permet au Gouvernement d’y mettre une fin en ces termes : « Si la commission ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’Assemblée nationale statue définitivement à la majorité absolue des membres la composant » ; que c’est ce que l’on appelle « le dernier mot » de l’Assemblée Nationale ;
  1. Considérant qu’en l’espèce, l’Assemblée Nationale statue définitivement à la majorité absolue de ses membres soit soixante-seize (76) députés ; que cent neuf (109) députés, soit plus de la majorité absolue des membres, ont adopté définitivement en leur séance plénière du 1er septembre 2020 « la loi n° 2020-012 portant ratification des ordonnances :
  • n°2019-002 du 15 mai 2019 portant loi organique modifiant et complétant certaines dispositions de la loi organique n°2018- 008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;
  • n°2019-006 du 28 mai 2019 portant loi organique modifiant certaines dispositions de la loi organique n°2015-007 du 3 mars 2015 fixant les règles  relatives  au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar ;
  • n°2019-009 du 22 juillet 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi modifiée n° 99-022 du 19 août 1999 portant Code minier ;
  1. Considérant qu’à l’issue de l’adoption de cette loi de ratification, les ordonnances concernées acquièrent définitivement valeur législative ; qu’ainsi la procédure d’adoption de la loi de ratification déférée est conforme aux exigences constitutionnelles ;

EN CONSEQUENCE

DECIDE

 Article premier. –  La loi n° 2020-012 portant ratification des ordonnances n°2019-002 du 15 mai 2019 relative au régime général des élections et des référendums, n°2019-006 du 28 mai 2019 relative au fonctionnement du Sénat ainsi qu’aux modalités d’élection et de désignation des Sénateurs de Madagascar, n° 2019- 009 du 22 juillet 2019 relative au Code minier, est déclarée conforme à la Constitution et peut faire l’objet d’une promulgation.

Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au Journal Officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le vendredi quatre septembre l’an deux mille vingt à onze heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.