La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi n° 2006-031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME :

  1. Considérant que le Président de la République, par lettre n°106-PRM/SGP/SGA/DEJ/2021 du 13 juillet 2021, enregistrée le même jour au greffe de la Cour de céans, a saisi la Haute Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n°2021-016 portant refonte de la loi n° 2006-031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée ; 
  1. Considérant que d’après l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que selon l’article 117 de la Constitution, « avant leur promulgation, les lois organiques, lois et ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution. » ; 
  1. Considérant que la loi n°2021-016 a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat lors de leurs séances plénières respectives du 30 juin 2021 ; 
  1. Considérant de tout ce qui précède que la saisine faite par le Président de la République est régulière et recevable ;

AU FOND :

  1. Considérant que la loi n°2021-016 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée déférée a pour objet de « fixer les nouveaux régimes juridiques applicables aux propriétés foncières privées non titrées» dans le cadre de la consolidation et de l’amélioration de la gestion foncière décentralisée ; 
  1. Considérant que la loi déférée offre la possibilité aux nationaux ayant occupé les parcelles non immatriculées ni cadastrées depuis au moins 15 années avant la promulgation de la présente loi, non seulement de régulariser leur situation et d’obtenir le certificat foncier ayant force probante de propriété mais également de renforcer leur droit sur les propriétés foncières privées non titrées ;que ce délai de 15 années actuellement requis prend en compte les mises en valeur effectuées à partir de l’année où la loi 2006-031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée a été promulguée pour la première fois ;
  1. Considérant que s’il appartient au législateur, en vertu de l’article 68 de la Constitution, d’édicter la loi, il doit, dans la rédaction qu’il entreprend, utiliser des termes suffisamment claires et précis, pour éviter toute interprétation arbitraire ;
  1. Considérant que les termes « dans les meilleurs délais» énoncés dans les dispositions de l’article 21 alinéa 2 et l’article 22 dernier alinéa sont imprécis ; que de par l’interprétation multiple et l’application arbitraire auxquelles ils pourraient donner lieu, le législateur ne respecte pas l’objectif à valeur constitutionnelle sus rappelé ; qu’Il y a lieu  de fixer un délai précis pour l’accomplissement des procédures à entreprendre ; que dans ces conditions,  les articles sus cités ne sont pas conformes à la Constitution;
  1. Considérant qu’en l’espèce, l’article 26 de la loi n°2021-016 permet au Chef de l’Exécutif lui-même dans un délai de 6 mois, sans attendre une décision judiciaire définitive, de rétracter sa décision, d’annuler le certificat foncier ou le rectifier ; qu’il est de principe général de droit lequel a valeur constitutionnelle, que la juridiction civile, gardienne de la propriété privée, a  compétence exclusive pour statuer sur les litiges y afférents ; qu’il s’ensuit que cet article 26 viole manifestement les dispositions constitutionnelles et doit être extirpé ;
  2. Considérant que les autres articles de la loi n°2021-016 portant refonte de la loi n°2006-031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée ne comportent aucune disposition contraire à la Constitution ; 

 

EN CONSEQUENCE,

DECIDE :

Article premier. – La saisine du Président de la République, régulière en la forme, est recevable.

Article 2.- L’article 26 de la loi n°2021-016 portant refonte de la loi n°2006-031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée est à extirper.

Article 3.- Les dispositions de l’article 21 alinéa 2 et l’article 22 dernier alinéa de ladite loi sont déclarées non conformes à la Constitution.

Article 4.- Toutes les autres dispositions de ladite loi sont déclarées conformes à la Constitution.

Article 5. – La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mardi dix-neuf octobre l’an deux mille vingt et un à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président

Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen

Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller

Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germine Bakoly, Haut Conseiller

Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia, Haut Conseiller

Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller

Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller

Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.