La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur la forme

  1. Considérant que par lettre n°154-PRM/SGP/SGA/DEJ/2022 du20 décembre22, déposée au greffe de la Cour de céans le même jour, le Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, saisit la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité, préalablement à sa promulgation, de la loi n°2022-.015 portant loi de finances pour 2023 ;
  2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » et que selon l’article 117 de la loi fondamentale, « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur la conformité à la Constitution »
  3. Considérant, d’une part, que l’objet de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité, relève du domaine législatif en vertu des articles 90, 95, 116 et 117 de la Constitution ; que le Parlement autorise chaque année par le vote du budget les dépenses et les recettes de l’Etat ; que d’autre part, l’article 92 alinéa premier de la Constitution dispose que « le Parlement examine le projet de Loi de finances au cours de sa seconde session ordinaire» ; qu’ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine introduite par le Président de la République est régulière et recevable ; qu’ainsi, la loi n°2022-015 portant loi de finances pour 2023 est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ;

Sur le fond 

Sur les procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances

  1. Considérant que le contrôle de constitutionnalité des lois de finances s’exerce en référence à la Constitution, à la loi organique sur les lois de finances, tel que prévu implicitement par l’article 90 de la Constitution ; que la Cour de céans vérifie la conformité des procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances et du respect des principes budgétaires ;
  2. Considérant que les lois de finances sont des lois ordinaires, mais qui sont adoptées selon une procédure spéciale ; que le Parlement autorise chaque année par le vote du budget les dépenses et les recettes de l’Etat ; que les procédures d’examen et d’adoption du projet de loi de finances par le Parlement sont prévues par l’article 92 de la loi fondamentale ainsi que par les articles 45 à 50 de la loi organique n° 2004- 007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;
  3. Considérant que la Constitution a fixé un délai d’examen spécifique pour le projet de  lois de finances ; qu’aux termes de l’article 92 de la Constitution , en son alinéa premier : «le Parlement examine le projet de loi de finances au cours de sa seconde session ordinaire »; qu’il dispose d’un délai maximum de soixante jours pour l’examiner, conformément à l’alinéa 3 de l’article 92 de la Constitution  ; que l’article 92 alinéa 4 et l’article 12 alinéa 5 fixent respectivement un délai maximum d’examen du projet de loi de finances pour l’Assemblée Nationale et le Sénat ;  que pour ce qui concerne le cas d’espèce, les délais prescrits par le législateur ont été respectés vu que l’adoption par les deux assemblées parlementaires s’est tenue durant la session ordinaire qui dure soixante jours; que la loi de finances pour 2023 a respectivement été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives du 25 novembre 2022, du 09 décembre 2022 et du 13 décembre 2022 ;
  4. Considérant que, en première lecture, le Sénat a fait usage de son droit à amendement du projet de loi de finances 2023 ; qu’une deuxième lecture a ainsi été nécessaire en application de l’article 96 alinéa 2 de la Constitution qui dispose que « la discussion a lieu successivement dans chaque Assemblée jusqu’à l’adoption d’un texte unique » ; que l’Assemblée Nationale a adopté dans les mêmes termes en deuxième lecture lors de leur séance plénière la loi de finances soumise au contrôle de constitutionnalité ; que les procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances sont conformes à la Constitution ;

Sur le respect des principes budgétaires

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle est juge de la cohérence de la loi de finances avec la Constitution et la loi organique sur les lois de finances ; qu’elle se doit notamment de vérifier le respect des principes budgétaires en l’occurrence du principe de l’égalité devant l’impôt et celui de la sincérité budgétaire ;
  2. Considérant que l’article 6 de la Constitution prévoit que « la loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse» ; que la perception de l’impôt est autorisée par la loi de finances et obéit ainsi au principe d’égalité de tous devant la loi ;
  3. Considérant que conformément à l’article 42 de la loi organique sur les lois de finances, « Les lois de Finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; que ledit principe suppose l’exhaustivité, la cohérence et l’exactitude des informations financières présentées dans la loi des finances ; que le principe de sincérité budgétaire interdit à l’Etat de sous-évaluer les charges ou de surestimer les ressources qu’il inscrit dans la loi des finances ; qu’en pratique, la vérification du respect de ce principe budgétaire se trouve limitée par le caractère prévisionnel de la loi des finances ; que de ce fait, la Haute juridiction fonde, dans le cadre de la loi des finances de l’année, son appréciation sur la présence d’erreurs manifestes, d’incohérence dans les prévisions ou de vices de formes ; que la vérification sera ultérieurement complétée et parachevée par le contrôle de la loi de règlement ;
  4. Considérant qu’a priori, la loi de finances déférée obéit à ces principes budgétaires tels que spécifiés dans les décisions n°33-HCC/D3 du 24 décembre 2018, n°09-HCC/D3 du 25 mai 2019 et n° 18-HCC /D3 du 21 décembre 2019, de la Cour de céans ; que les principes budgétaires universellement admis ont été respectés dans la confection de la loi de finances pour 2023 ;
  5. Considérant que, de tout ce qui précède, les termes de la loi n°2022-015 portant loi de finances pour 2023 ne contiennent aucune disposition contraire à la loi fondamentale et doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE,
DECIDE

Article premier. – Les dispositions de la loi n°2022-015 portant loi de finances pour 2023 sont conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, à la Présidente de l’Assemblée Nationale et au Président du Sénat et sera publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée par visioconférence tenue à Antananarivo, le mercredi vingt et un décembre l’an deux mil vingt-deux à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniaina Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia, Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette, Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller
Et assisté de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.