La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ;

Vu le Protocole Facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 18 décembre 2002 ;

Vu la loi n°2008-008 du 25 juin 2008 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

Vu la loi n°2014-007 du 22 juillet 2014 portant institution de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que par lettre n° 147-PRM/SG/DEJ-18 du 14 décembre 2018, le Président de la République par intérim, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, a saisi la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité, avant sa promulgation, de la loi n°2018-028 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2014-007 du 22 juillet 2014 portant institution de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) ;
  2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes » ; que la loi n°2018-028 a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat en leurs séances respectives des 24 octobre 2018 et 27 novembre 2018 ;
  3. Considérant qu’il résulte des dispositions sus-rappelées que ladite loi est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité; que la saisine introduite par le Président de la République par intérim doit être déclarée recevable ;

AU FOND 

  1. Considérant que la matière objet de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité consiste à modifier et compléter certaines dispositions de la loi n° 2014-007 du 22 juillet 2014 portant institution de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) ; que la Cour de Céans a statué sur la conformité à la Constitution de la loi n° 2014-007 par décision n°13-HCC/D3 du 16 juillet 2014 ;
  2. Que l’amendement de la loi n° 2014-007 sus évoquée se rapporte aux attributions de la CNIDH ainsi qu’au rang, avantages et privilèges de ses membres ;

Sur les attributions de la CNIDH

  1. Considérant que l’article premier de la loi déférée modifie les dispositions de l’article 2 de la loi n° 2014-007 comme suit  « Article 2 bis (nouveau) : la CNIDH est le mécanisme national indépendant de prévention de la torture et autres peines ou traitements  cruels, inhumains ou dégradants prévu par les dispositions  de la loi n° 2008-008 du 25 juin 2008 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants […] » ; qu’aux termes de l’article 9 de la loi n° 2008-008 sus évoquée « Dans le cadre de la prévention contre la torture , le contrôle de la détention est confié aux organes habilités à cet effet par la législation en vigueur » ;  que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévoit en son article 2.1. que « tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction » ; que le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévoit,  en son article 17,  la mise en place  d’un ou plusieurs  mécanismes nationaux de prévention indépendant en vue de prévenir la torture à l’échelon national ;
  2. Que, suivant l’esprit de la loi n° 2018-028, soumise au contrôle de conformité, le rajout de cette nouvelle attribution au profit de la CNIDH évite la création d’un nouvel organe devant assurer le contrôle efficace de la détention en application de la loi n° 2008-008 sus citée et permet ainsi de faire une économie de nouvelles charges à l’Etat ;
  3. Considérant , toutefois, que la prévention contre la torture recouvre différents aspects et doit être exercée par des organes multidisciplinaires ; que l’ organe chargé de la promotion et de la protection des droits de l’homme tel la CNIDH constitue une composante, non exclusive, pour exercer la mission de prévention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants ; qu’il convient d’énumérer, par voie réglementaire, les organes habilités à cet effet en application de l’article 9 de la loi 2008-008 sus évoquée ;
  4. Que cette extension des attributions de la CNIDH constitue une mise en œuvre de l’article 7 de la Constitution selon lequel « les droits individuels et les libertés fondamentales sont garantis par la Constitution et leur exercice est organisé par la loi » et de son article 8 alinéa 2 qui dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ; que l’article 2 bis de la loi sus évoquée est ainsi conforme à la Constitution ;

Sur le rang, avantages et privilèges des membres de la CNIDH

  1. Considérant que la loi soumise au contrôle a modifié les dispositions de l’article 6 de la loi n° 2014-007; que les commissaires occupent un rang et bénéficient de traitements et avantages, leur conférant une considération appropriée à leur fonction ainsi qu’à la nécessité de préserver la dignité et la sécurité de la mission de la CNIDH ; que, toutefois, ces traitements et avantages doivent être fixés par voie règlementaire ;
  1. Considérant que la loi déférée prévoit une disposition sur la délivrance d’un passeport diplomatique aux membres de la CNIDH ; que la Cour de Céans dans sa décision n° 09-HCC/D3 du 28 janvier 2015 concernant la loi organique n°2014-039 portant quelques droits et privilèges inhérents aux fonctions des Députés, a fixé les conditions de délivrance d’un passeport diplomatique ; que les conditions d’octroi du passeport diplomatique, relevant du domaine réglementaire, doivent se conformer aux conventions et usages internationaux ; que l’application de la loi déférée doit ainsi se conformer à la décision n°09-HCC/D3 précitée en ce qui concerne la délivrance d’un passeport diplomatique ;
  1. Considérant que la loi déférée a également modifié et complété d’autres dispositions de la loi n° 2014-007 du 22 juillet 2014, entre autres, les critères de désignation des membres de la CNIDH, le changement de la dénomination du Bureau exécutif en Bureau Permanent ainsi que celle du Secrétaire Général en Secrétaire exécutif (ve)  ; que ces dispositions ne méconnaissant aucune règle ni aucun principe constitutionnel, doivent être déclarées conforme à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE,

DECIDE :

 Article premier.- Sous les réserves énoncées aux Considérants 8, 10 et 11, les dispositions de la loi n° 2018-028 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2014-007 du 22 juillet 2014 portant institution de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme, sont déclarées conformes à la Constitution et peuvent faire l’objet d’une promulgation.

Article 2– La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, et publiée au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le mercredi vingt –trois janvier l’an deux mille dix-neuf à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère ;

et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef