La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu l’ordonnance n°2014-001 portant Loi organique fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale ;

Vu la loi organique n°2018-010 du 11 mai 2018 relative à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale ;

Vu l’Arrêt n°45-HCC/AR du 02 juillet 2019 portant proclamation des résultats officiels des élections législatives du 27 mai 2019 ;

Vu la Résolution N°01-2019/P du 19 août 2019 tendant à modifier l’arrêté N°67/P portant Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que par lettre n°035-AN/P/2020 du 29 janvier 2020, la Présidente de l’Assemblée Nationale a saisi la Haute Cour Constitutionnelle aux fins de constater la démission d’office de deux députés et la vacance des sièges de ces derniers ;
  1. Considérant que selon l’article 8 alinéas 3 à 5 de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale et l’article 11 alinéas 3 à 5 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale :

« Lorsqu’un membre de l’Assemblée Nationale manque au cours de son mandat à la totalité des séances de l’une des deux sessions ordinaires, sans excuse valable admise par l’Assemblée Nationale, il est déclaré démissionnaire d’office par cette dernière. Sont considérées comme excuses valables :

  • la maladie attestée par un certificat médical délivré par un médecin exerçant dans un hôpital public ;
  • la mission officielle attestée par un Ordre de mission ;
  • les évènements familiaux.

La démission d’un Député est constatée dans tous les cas par la Haute Cour Constitutionnelle saisie à cet effet par le Bureau de l’Assemblée Nationale. Il est remplacé d’office par son colistier suivant. »

SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE

  1. Considérant que, selon le procès-verbal de la réunion du Bureau permanent de l’Assemblée Nationale du 18 décembre 2019, cet organe directeur de la Chambre basse s’est trouvée dans l’obligation de mettre en œuvre les dispositions de l’article 8 alinéas 3 à 5 de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale et de l’article 11 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale afin d’éviter de pénaliser trop longtemps la représentation des populations des districts de Mahabo et Fandriana ; que la demande de la Présidente de l’Assemblée Nationale est régulière et recevable ;

SUR LE CARACTERE NON CONTENTIEUX DE LA DEMANDE

  1. Considérant que la demande de la Présidente de l’Assemblée Nationale relève strictement de l’application du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ; qu’elle ne relève ni de la procédure contentieuse prévue par les articles 29 à 34 de l’ordonnance n°2001-003 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ni du contentieux électoral relevant de l’article 35 de la même ordonnance et des articles 200 à 207 de la loi organique n°2018-008 relative au régime général des élections et des référendums ; qu’en conséquence, la constitution d’avocat en la matière n’est pas recevable ;

AU FOND

SUR LES IMMUNITES PARLEMENTAIRES

  1. Considérant que l’immunité parlementaire est une disposition du statut des parlementaires (député, sénateur) qui les protège, dans le cadre et pour la durée de leur mandat, contre toute mesure d’intimidation de la part des pouvoirs publics ou de pouvoirs privés afin de garantir leur indépendance ; qu’elle vise à protéger soit la personne du parlementaire soit surtout sa liberté d’expression ; que ces protections fonctionnelles et personnelles sont instituées, non dans l’intérêt du parlementaire, mais dans celui du mandat et présentent donc un caractère objectif ; que les immunités parlementaires sont constituées par l’irresponsabilité et par l’inviolabilité ;

      Concernant l’irresponsabilité

  1. Considérant que les parlementaires ne peuvent pas être poursuivis pour les actes accomplis dans l’exercice de leur fonction ; que selon l’article 73 alinéa 1 de la Constitution, « aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. » ; que cette protection vise à assurer la liberté d’expression et de décision du parlementaire, en couvrant les propos et votes en séance, en commission, au sein des groupes parlementaires, dans les rapports et propositions, ainsi que les activités en mission ; que l’irresponsabilité ne concerne que les actes directement rattachés à l’exercice du mandat, à l’exclusion de ceux qui en sont détachables ;

Concernant l’inviolabilité

  1. Considérant que selon l’article 73 alinéa 2 de la Constitution, « aucun député ne peut, pendant les sessions, être poursuivi et arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée, sauf en cas de flagrant délit » ; que d’après l’alinéa 3 du même article, « aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive » ;
  1. Considérant que c’est toujours le mandat qui est protégé à travers la personne du parlementaire ; que l’inviolabilité ne signifie pas l’impunité pénale ; qu’elle s’analyse en une immunité de procédure, garantissant au parlementaire pris en qualité d’individu contre des poursuites pénales abusives ou vexatoires intentées contre lui à raison de faits étrangers à l’exercice du mandat ; qu’il s’agit de prévenir la survenue d’actions pénales intentées contre le parlementaire pour des faits autres que ceux liés à sa fonction, donc durant son mandat ; que des infractions pénales commises avant l’élection du député ne peuvent en aucun cas bénéficier de l’inviolabilité ;
  1. Considérant que la protection accordée aux parlementaires se présente comme une garantie renforçant la séparation des pouvoirs ; qu’en aucun cas, elle ne peut être interprétée comme un privilège d’impunité, allant à l’encontre de l’égalité de tous devant la loi ; que, selon la volonté du constituant, l’inviolabilité ne couvre pas des infractions pénales et n’annule pas des sanctions pénales antérieurs à l’élection d’un député ;

SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 8 DE L’ORDONNANCE FIXANT LES REGLES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ET L’ARTICLE 11 DU REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

  1. Considérant que l’article 8 alinéa 3 de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale et l’article 11 alinéa 3 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale disposent que « lorsqu’un membre de l’Assemblée nationale manque au cours de son mandat à la totalité des séances de l’une des sessions ordinaires, sans excuse valable adressée à l’Assemblée nationale, il est déclaré démissionnaire d’office par cette dernière » ;
  1. Considérant que le député Ludovic Adrien RAVELOSON, élu dans la circonscription de Mahabo, et le député Hasimpirenena RASOLOMAMPIONONA, élu dans la circonscription de Fandriana, ont été absents sans excuses valables et durant la totalité de la deuxième session parlementaire ordinaire 2019 ; que les cas d’excuses valables sont énumérés de manière exhaustive par l’article 8 alinéa 4 de l’ordonnance n°2014-001 fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée nationale et l’article 11 alinéa 4 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ; que toute autre excuse ne peut être invoquée et considérée comme valable ;
  1. Qu’en conséquence, la Cour de céans constate la démission d’office des députés Ludovic Adrien RAVELOSON et Hasimpirenena RASOLOMAMPIONONA ainsi que la vacance de leurs sièges respectifs ; qu’est désigné Député de Madagascar pour la circonscription de Mahabo pour le reste du mandat de Monsieur Ludovic Adrien RAVELOSON, Yvonne RAZAFINDRAZALIA; qu’est désigné Député de Madagascar pour la circonscription de Fandriana pour le reste du mandat de Monsieur Hasimpirenena RASOLOMAMPIONONA, Taratriniaina Dina RAKOTOMALALA ; 

PAR CES MOTIFS

A R R Ê T E :

                                                                                                     

Article premier.- La saisine de la Présidente de l’Assemblée Nationale  est déclarée recevable.

Article 2.- L’application du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne relevant pas de la procédure contentieuse, la constitution d’avocat n’est pas recevable.

Article 3.- L’inviolabilité ne couvre pas des infractions pénales et n’annule pas des sanctions pénales antérieures à l’élection d’un député.

Article 4.Sont constatées la démission d’office des députés Ludovic Adrien RAVELOSON et Hasimpirenena RASOLOMAMPIONONA ainsi que la vacance de leurs sièges respectifs.

    Article 5.- Sont désignés Députés de Madagascar Yvonne RAZAFINDRAZALIA, de la liste « Indépendant Leva » de la circonscription de Mahabo et Taratriniaina Dina RAKOTOMALALA de la liste «  « Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina » de la circonscription de Fandriana. 

Article 6.- Le présent arrêt sera notifié au Président de la République, au Président du Sénat, à la Présidente de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publié au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le lundi dix février l’an deux mil vingt à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président

Madame ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haute Conseillère-Doyenne

Monsieur TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller

Monsieur TIANDRAZANA Jaobe Hilton, Haut Conseiller

Madame RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haute Conseillère

Monsieur DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller

Madame RANDRIAMORASATA Maminirina Sahondra, Haute Conseillère

Monsieur ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller

Madame RABETOKOTANY Tahina, Haute Conseillère

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.