La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la Délibération n°02-HCC/DB du 17 septembre 2021 portant Règlement Intérieur de la Haute Cour Constitutionnelle modifiée et complétée par la Délibération n°03-HCC/DB du 26 octobre 2021 ;

Vu la loi organique n° 2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EN LA FORME

  1. Considérant que la Haute Cour Constitutionnelle a été saisie par lettre n°200/PRM/SGP/SGA/DEJ/2021 du 16 décembre 2021 du Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 117 de la Constitution, aux fins de contrôle de constitutionnalité,préalablement à sa promulgation, de la loi n°2021-027 portant loi de finances pour 2022 ;
  2. Considérant que selon l’article 116.1 de la Constitution, la Haute Cour Constitutionnelle « statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances et des règlements autonomes» et que selon l’article 117 de la loi fondamentale, « avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution » ;
  3. Considérant que l’objet de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité relève du domaine législatif en vertu des articles 90, 95, 116 et 117 de Constitution ; que d’une part « la loi de finances détermine les ressources et les charges de l’Etat… elle détermine, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte compte tenu des contraintes d’ordre macroéconomique… elle détermine la proportion des recettes publiques devant revenir à l’Etat, aux Collectivités Territoriales Décentralisées ainsi que la nature et le taux maximum des impôts et taxes perçus directement au profit du budget desdites collectivités… »et que d’autre part, l’article 92 de la Constitution prévoit que « le Parlement examine le projet de loi de finances au cours de sa seconde session ordinaire » ; qu’en ayant ainsi respecté les dispositions constitutionnelles y relatives, la saisine introduite par le Président de la République est régulière et recevable ; que par conséquent, la loi n°2021-027 portant loi des finances pour 2022 est soumise à un contrôle obligatoire de constitutionnalité ;
  4. Considérant que le contrôle de constitutionnalité des lois de finances s’exerce en référence à la Constitution, à la loi organique sur les lois de finances, tel que prévu implicitement par l’article 90 de la Constitution ; que la Cour de céans vérifie la conformité des procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances et du respect des principes budgétaires ;

Sur les procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances

  1. Considérant que les lois de finances sont des lois ordinaires qui sont adoptées selon une procédure spéciale ; que le Parlement autorise chaque année par le vote du budget les ressources et les charges de l’Etat ; que les procédures d’examen et d’adoption du projet de loi de finances par le Parlement sont prévues par l’article 92 de la Constitution ainsi que par les articles 45 et suivants de la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances ;
  2. Considérant que la Constitution a fixé un délai d’examen spécifique en ce qui concerne la loi de finances ; qu’en son article 92, alinéa premier, la loi fondamentale détermine la période d’examen et ce, durant la seconde session ordinaire ; que le Parlement dispose d’un délai maximum de soixante jours pour examiner le projet de loi selon l’alinéa 3 du même article ; que les alinéas 4 et 5 de l’article 92 de la Constitution fixent respectivement un délai maximum d’examen du projet de loi de finances pour l’Assemblée Nationale et le Sénat ; que chaque assemblée a exercé ses droits d’examen en faisant usage de son délai imparti pour l’examen du projet de loi de finances pour 2022, en première lecture le 23 novembre 2021 pour l’Assemblée Nationale, le 7 décembre 2021 en première lecture pour le Sénat et le 13 décembre 2021 en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale ;
  3. Considérant en outre que l’alinéa 4 de l’article 92 de la Constitution dispose que le projet de loi de finances est examiné en premier lieu par l’Assemblée Nationale ; que l’article 46 de la loi organique sur les lois de finances sus-citée dispose que « le projet de loi de finances de l’année, y compris le rapport et les annexes explicatives prévues à l’article 44, est déposé et distribué au plus tard le 30 octobre de l’année qui précède l’année d’exécution du budget. Il est immédiatement renvoyé à l’examen de la commission des finances de l’Assemblée Nationale » ; que le projet de loi de finances pour 2022 a été déposé à l’Assemblée Nationale dans le délai prescrit ;
  4. Considérant qu’en première lecture, le Sénat a fait usage de son droit à amendement du projet de loi des finances pour 2022 ; qu’une deuxième lecture a été nécessaire conformément à l’article 96 alinéa 2 de la Constitution qui dispose que « la discussion a lieu successivement dans chaque Assemblée jusqu’à l’adoption d’un texte unique» ; que la loi des finances pour 2022 a été adoptée définitivement au niveau de l’Assemblée Nationale après la deuxième lecture ; que les procédures d’adoption et d’examen du projet de loi de finances pour 2022 ont été respectées conformément aux dispositions constitutionnelles ;

Sur le respect des principes budgétaires

  1. Considérant que le principe de l’universalité budgétaire implique le rassemblement dans un document unique l’ensemble des recettes sur lequel doit s’imputer l’ensemble des dépenses ; que la non-affectation des recettes à des dépenses déterminées constitue un des fondements de ce principe budgétaire ; que les aménagements à ce principe sont déjà bien délimités par le législateur dans la loi organique sur les lois de finances ;
  2. Considérant qu’en l’espèce, l’article 5 de la loi organique n°2004-007 du 26 juillet 2004 sur les lois de finances dispose en son alinéa 5 qu’« il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction entre les recettes et les dépenses. L’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique intitulé : Budget Général de l’Etat.» ; qu’une atténuation à ce principe est prévue à l’alinéa suivant « Toutefois, certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent alors la forme de Budgets Annexes ou de Comptes Particuliers du Trésor ou de procédures comptables particulières au sein du Budget Général de l’Etat, des Budgets Annexes ou d’un Compte Particulier du Trésor. Les conditions d’ouverture des Budgets Annexes et des Comptes Particuliers du Trésor sont définies respectivement aux articles 28 et 33» ; que les exceptions au principe de non affectation sont délimitées par le législateur ; qu’elles doivent être sous la forme prévue par l’alinéa 6 de la loi organique susmentionnée ;
  3. Considérant qu’à la lecture de l’article 18 de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité de la Cour de céans, une affectation de certaines ressources de l’Etat y est prévue au profit du budget du Fonds National Foncier ; que le statut de ce Fonds n’y est pas mentionné, ne permettant pas à la Cour de céans d’apprécier si les dispositions légales y afférentes ont été respectées ; que sans plus de précision, l’article 18 de la loi n°2021-027 portant loi de finances pour 2022 s’apparente à une violation du principe de l’universalité ; qu’il échet de l’extirper de la loi à promulguer ;
  4. Considérant que, de tout ce qui précède, hormis le considérant n°11, les termes de la loi n°2021-027 portant loi de finances pour 2022 ne contiennent aucune disposition contraire à la loi fondamentale et doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

EN CONSEQUENCE
D E C I D E :

Article premier.La saisine du Président de la République est déclarée régulière et recevable en la forme.

Article 2. – Les dispositions de l’article 18 de la loi n°2021-027 portant loi de finances pour 2022 doivent être extirpées.

Article 3. – Les autres dispositions de la loi n°2021-027 portant loi de finances pour 2022 sont conformes à la Constitution.

Article 4.– La présente Décision sera notifiée au Président de la République, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat et publiée au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue par visioconférence à Antananarivo, le jeudivingt-trois décembre l’an deux mille vingt-et-un à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président

Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen,

Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller,

Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller

Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller

Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller

Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA RondroLucette,Haut Conseiller

Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.