La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi organique n°2018-008 du 11 mai 2018 relative au régime général des élections et des référendums ;

Vu la loi organique n°2018-009 du 11 mai 2018 relative à l’élection du Président de la République ;

Vu le décret n°2023-863 du 11 juillet 2023 portant convocation des électeurs pour l’élection présidentielle ;

Vu le décret n°2023-864 du 11 juillet 2023 fixant le modèle et les caractéristiques de la carte d’électeur ;

Vu le décret n°2023-865 du 11 juillet 2023 fixant les modalités d’organisation de l’élection présidentielle ;

Vu le décret n°2023-866 du 11 juillet 2023 fixant les modèles de certaines pièces à fournir partout candidat à l’élection présidentielle ;

Vu le décret n°2023-867 du 11 juillet 2023 fixant le montant de la contribution des candidats aux frais engagés par l’Administration pour l’élection présidentielle ainsi que leurs modalités de remboursement et de reversement ;

Vu la Délibération n°02-HCC/DB du 17 septembre 2021 portant Règlement Intérieur de la Haute Cour Constitutionnelle, modifiée et complétée par la Délibération n°03-HCC/DB du 26 octobre 2021 ;

Vu la requête formulée par Monsieur Pierre TODIARIVO, Secrétaire Général du parti « Mouvement pour l’Indépendance de Madagascar » (MONIMA)

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

1.Considérant que par requête en date du 6 septembre 2023, reçue et enregistrée le même jour au greffe de la Cour de céans, le « Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar » (MONIMA) représenté par son Secrétaire Général Monsieur Pierre TODIARIVO, saisit la haute Cour Constitutionnelle aux fins 1/de validation de la caution concernant la candidature de Monsieur MONJA Roindefo Zafitsimivalo à l’élection présidentielle du 9 novembre 2023,  de  l’annulation du décret n°2023-867 du 11 juillet 2023 fixant le montant de la contribution des candidats aux frais engagés par l’Administration pour l’élection présidentielle ainsi que leurs modalités de remboursement et de reversement  ainsi que de la reconnaissance de sa candidature;

  1. Considérant qu’aux motifs de sa demande, le requérant expose que :

« Premièrement : Conformément à l’Article 65 de la loi organique 2018-009 relative à l’élection du Président de la République, la Haute Cour Constitutionnelle a la compétence pour connaitre des requêtes ou contestations relatives aux actes préliminaires des opérations électorales.

Deuxièmement : Le candidat investi par le parti Monima remplis toutes les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle et se porte candidat à cette élection.

Troisièmement : En sa qualité de Cour et Juridiction, la Haute Cour Constitutionnelle, ayant une double compétence juridictionnelle et judiciaire, est habilitée à juger tout ce qui relatif à cette élection, notamment la validation des pièces de candidatures, des candidatures et tout ce qui concerne les matériels électoraux.

Quatrièmement : Madagascar, étant signataire du traité de la SADC, est tenu par ses principes notamment la tenue d’élections démocratiques, transparentes, crédibles, équitables, égalité des chances et respect strict de l’état de droit. Dans le cadre de cet engagement, Madagascar est tenu par le respect du traité de la SADC qui a une compétence de suivi en matière électorale.

Cinquièmement : Nous avons également saisi la SADC pour la présente requête, afin de garantir le respect des principes susmentionnés.

Sixièmement : Par ailleurs, nous avons informé les bailleurs du basket-fund des anomalies liées à la décision unilatérale de l’exécutif qui bafoue l’indépendances de la commission Electorale Nationale Indépendante et de la loi organique 2018-009.

Septièmement : La loi Organique 2018-009 énonce clairement les différents articles qui encadrent le processus électoral, notamment les articles 4, 5, et 9 qui définissent respectivement la procédure de convocation des électeurs, le pouvoirs de la Haute Cour Constitutionnelle à saisir le Gouvernement pour intervenir dans la rectification de décrets non conformes, et l’obligation pour les candidats de verser une contribution aux frais d’impression des bulletins de vote dont le montant est fixé par un décret pris en Conseil de Gouvernement sur proposition de la Cour Electorale Nationale Indépendante. 

Huitièmement : Il est ainsi expressément stipulé que les candidats sont ténus de verser une contribution aux frais d’impression des bulletins de vote, dont le montant est fixé sur proposition de la Cour Electorale Nationale Indépendante. Or, le Décret n° 2023-867 a fixé le montant sur proposition du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation et non de la Cour Electorale Nationale Indépendante. Il est alors à préciser que l’ordonnance n’ordonne pas la consultation de la Commission Electorale Nationale Indépendante, mais conditionne la génération du Décret pris en Conseil de Gouvernement pour fixer le montant de participation des candidats sur proposition de la Cour Electorale Nationale Indépendante. Cela ne saurait souffrir d’interprétation quelconque.

Neuvièmement : Le montant de 200 000 000 Ar établi par le décret est contraire à la proposition de la Cour Electorale Nationale Indépendante de 50 000 000 Ar selon la lettre de cette dernière n°1724-23/CENI/SE/DEAJ en présentation de leur délibération n°020/CENI/D2023 portant les signatures des tous les commissaires électoraux à cet effet. Cette divergence porte préjudice aux candidats et compromet la crédibilité de l’élection présidentielle.

Dixièmement : Le Décret n°2023-867 présente des irrégularités majeures et flagrantes par rapport à la loi organique n°2018-009, le rendant caduc, nul et non avenu. Non seulement il ne respecte pas la proposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante, mais il est également dépourvu de l’en-tête du Premier Ministre, le reléguant ainsi au rang d’arrêté.

Cette divergence voulue et faite par exprès entre le montant proposé par la Cour Electorale Nationale Indépendante et le décret en question nuit gravement à la crédibilité de l’organisation de l’élection présidentielle et bafoue le principe et esprit de consensualisme stipulé dans l’exposé des motifs de la loi organique n°2018-009.

En outre, le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante a publiquement déclaré que le Programme des Nations-Unies pour le Développement, le PNUD couvrait déjà les frais d’impression des bulletins, comme stipulé dans l’articles 9 de la loi organique n°2018-009. Ce qui ne justifie nullement, la décision de l’Exécutif à augmenter à 200 000 000 Ar la caution électorale.

Onzièmement : En conséquence, c’est la proposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante qui devrait primer, ce qui justifie notre caution de 50 000 000 Ar.

Le décret n°2023-867, entaché d’illégalités, ne peut prétendre au statut d’acte de gouvernement.

Tout écart par rapport à cette proposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante porte préjudice aux candidats, compromet l’égalité des chances et inclusivité, et contrevient à l’esprit de la loi organique n°2018-009. » ; 

 

Sur la compétence de la Cour

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 65 alinéa premier de la loi organique n°2018-009 du 11 mai 2018 relative à l’élection du Président de la République, « La Haute Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître de toute requête ou contestation se rapportant aux actes qui constituent les préliminaires des opérations électorales et à ceux qui ont trait au déroulement du scrutin. » ;

Que l’alinéa premier de l’article 9 de la même loi énonce que « Les candidats sont tenus de verser une contribution aux frais d’impression des bulletins de vote à la Caisse des Dépôts et Consignations et dont le montant est fixé par un décret pris en Conseil de Gouvernement sur proposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante. » ;

  1. Considérant qu’en application des dispositions de cet article 9, le décret n°2023-867 pris le 11 juillet 2023 a fixé le montant de la contribution à deux cent millions (200.000.000) ariary ; que ledit décret contenant des mesures conditionnant la recevabilité des candidatures à l’élection présidentielle prévue le 9 novembre 2023 rentre dans la catégorie d’actes qui constituent les préliminaires aux élections au sens des dispositions de la loi sus-rappelées ;

Qu’il appartient par la suite à la Cour de céans de connaître des litiges qui en résultent ;

Sur la légalité du décret attaqué

  1. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 9 de la loi n°2018-009 précité qu’un décret fixant, en Conseil de Gouvernement, le montant de la contribution aux frais d’impression des bulletins de vote que tous les candidats doivent verser à la caisse des dépôts et consignations doit être pris sur proposition de la CENI ;
  2. Considérant que pour justifier l’annulation du décret critiqué,  le requérant soutient que ledit acte est relégué au rang d’arrêté en ce qu’il est dépourvu de l’en-tête du  Premier Ministre  ; que toutefois, il résulte de l’examen de l’acte en cause, tant en ce qui concerne son signataire qu’est le Premier Ministre qu’en ce qui concerne les mesures qu’il contient qu’est l’application des dispositions législatives électorales, qu’il revêt la nature d’un décret ; que l’en-tête qu’il porte ne retentit pas sur sa nature ; qu’il s’ensuit que ce moyen est inopérant ;
  3. Considérant par ailleurs, qu’il ressort des éléments du visa du décret incriminé que suivant lettre n°1724-23/CENI/SE/DEAJ du 3 juillet 2023 la CENI a proposé suite à la délibération n°020/CENI/D2023 à 50 000 000 Ariary le montant de la contribution aux frais d’impression des bulletins de vote ; que ladite proposition a été introduite en Conseil de Gouvernement par le truchement du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation ;
  4. Considérant enfin que l’article 9 suscité n’impose pas que le Gouvernement doive se conformer aux termes de ladite proposition ; que le Gouvernement demeure le seul juge de l’appréciation d’éléments qu’il entend opérer dans la prise de sa décision sauf erreur manifeste d’appréciation ;

Que dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le montant de 200.000.000 ariary fixé est illégal ;

  1. Considérant de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête formulée par Monsieur Pierre TODIARIVO, Secrétaire Général du « Mouvement National pour l’Indépendance de Madagascar » (MONIMA) ;

PAR CES MOTIFS
ARRETE

 

Article premier. – La requête formulée par Monsieur Pierre TODIARIVO est rejetée.

Article 2.- Le présent arrêt sera notifié au requérant et publié au journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le samedi neuf septembre l’an  deux mille vingt-trois à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette,Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.