La Haute Cour Constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi n°2014-020 du 27 septembre 2014 relative aux ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées, aux modalités d’élections, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions de leurs organes ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

1– Considérant que par lettre n°002/PM/SP/24 en date du 18 janvier 2024, reçue et enregistrée au greffe de la Haute Cour Constitutionnelle le même jour, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, a saisi la Cour de céans aux fins de demande d’avis relatif à la situation des élus au niveau des Communes Urbaines et Rurales en fin de mandat le 10janvier 2024, jusqu’à la mise en place des nouveaux élus à l’issue des élections municipales et communales qui devront se tenir cette année ;

Sur la recevabilité de la demande

2– Considérant qu’aux termes de l’article 119 de la Constitution, « La Haute Cour Constitutionnelle peut être consultée par tout chef d’institution et tout organe des collectivités territoriales décentralisées pour donner son avis sur la constitutionnalité de tout projet d’acte ou sur l’interprétation d’une disposition de la présente Constitution » ;

3– Considérant que l’article 151 de la Constitution dispose : « Dans les Communes, les fonctions exécutives et délibérantes sont exercées par des organes distincts et élus au suffrage universel direct.

La composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement des organes exécutif et délibérants ainsi que le mode et les conditions d’élection de ses membres sont fixés par la loi. » ;

4– Considérant qu’aux termes de l’article 240 de la loi n° 2014-020 du 27 septembre 2014 relative aux ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées, aux modalités d’élections, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions de leurs organes, « Le Chef de l’exécutif et les membres de l’organe délibérant de chaque Collectivité Territoriale Décentralisée sont élus au suffrage universel, pour un mandat de quatre (04) ans » ;

5– Considérant que la demande d’avis du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, porte sur l’interprétation de l’article 151 de la Constitution lu en combiné avec l’article 240 de la loi n°2014-020 ;

Que cette demande entre dans le cadre des attributions de la Haute Cour Constitutionnelle et est par conséquent recevable ;

Au fond 

6– Considérant que dans sa demande, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement pose à la Haute Cour Constitutionnelle les trois (3) questions suivantes :

1- « Quelles dispositions les élus communaux peuvent-ils prendre pour le fonctionnement des communes ?

2- « Les Maires et les Conseillers Communaux ou municipaux peuvent-ils continuer à assurer leur fonction jusqu’à la publication des résultats des élections communales ? ;

3- Dans l’affirmative, quelles limites doivent être prises en considération de la prorogation de leur mandat ? » ;

7– Considérant que selon le préambule de la Constitution « […] la mise en œuvre de la décentralisation effective, par l’octroi de la plus large autonomie aux collectivités décentralisées tant au niveau des compétences que des moyens financiers est le facteur essentiel du développement durable et intégré ; […] » ;

Que l’article 151 alinéa premier de la Constitution dispose que « dans les communes, les fonctions exécutives et délibérantes sont exercées par des organes distincts et élus au suffrage universel direct » ; que le principe de la décentralisation selon lequel les autorités locales sont élues constitue de ce fait un principe constitutionnel ;

8– Considérant que le mandat des Maires et des Conseillers municipaux et communaux  sur tout le territoire de la République de Madagascar a expiré le 10 janvier 2024 ; que la date des nouvelles élections municipales et communales n’est pas encore fixée par le Gouvernement ; que toutefois, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement dans sa lettre en date du 18 janvier 2024, affirme que « les élections communales et municipales devront se tenir cette année » ; que de facto, il risque de se créer ainsi un vide pouvant porter atteinte au principe de continuité du service public ; que cette situation de fait n’est prévue ni par la Constitution ni par les lois régissant les Collectivités Territoriales Décentralisées ;

9– Considérant que face à cette situation, la Haute Cour de céans a déjà émis l’avis n° 08-HCC/AV du 22 août 2019 relatif à une demande d’avis sur les dispositions à prendre pour les autorités communales jusqu’aux prochaines élections communales ;

Que le principe de continuité du service est un principe constitutionnel reconnu et garanti par l’article 33 de la Constitution ; que tous services publics, nationaux ou locaux, sont soumis à un corps de principes appelés « lois du service public » ou lois de Rolland », dont le principe de continuité, qui leur sont applicables même sans textes ; que le principe de continuité a vocation à garantir le fonctionnement régulier des services publics, conformément aux textes qui l’organisent ; que les Maires et les Conseillers municipaux et communaux, en tant qu’autorités administratives élues, sont les garants du fonctionnement des services publics communaux ;

10– Considérant que le premier fondement de la continuité du service public au niveau local est d’assurer la continuité de la Commune et de son action ; que le second fondement est celui de la satisfaction continue des besoins des usagers de la Commune ;

11– Considérant que conformément au principe de continuité du service public, les Maires et les Conseillers communaux ou municipaux sortants et en fin de mandat sont maintenus provisoirement en activité jusqu’à l’élection de leurs successeurs ;

12– Considérant toutefois que jusqu’à la mise en place des nouveaux élus des communes, ne rentrent pas dans les attributions des autorités communales ou municipales en fin de mandat, les attributions figurées aux dispositions de la loi n° 2014-020 du 27 septembre 2014 suivantes :

– l’article 15.3 : « Le Conseil délibère notamment dans les domaines : l’acquisition, l’aliénation et nantissement des biens de la Collectivité, la constitution et la suppression de droits immobiliers, l’assurance des mobiliers et immobiliers provinciaux, régionaux ou locaux, les conditions de baux à terme ou à loyer, ainsi que le partage des biens que la Collectivité possède par indivis avec d’autres propriétaires » ;

– l’article 29.5 : « Sous le contrôle du Conseil, le Chef de l’exécutif est chargé, d’une manière générale et dans les formes prévues par les lois et règlements, d’exécuter les délibérations du Conseil et, en particulier de : passer les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons et legs, acquisition, transaction ainsi que les marchés et baux lorsque ces actes ont été autorisés conformément à la présente loi » ;

– l’article 30. 5 et 30.7 : « Le Chef de l’exécutif peut, en outre, sur autorisation du Conseil, être chargé, en tout ou en partie, et pour la durée de son mandat de : prendre toute décision concernant l’acquisition, la construction, l’aliénation d’immeuble dont la valeur ne dépasse pas un montant qui sera fixé par le Conseil, passer les actes de vente, échange, partage, acquisition, transaction ainsi que les marchés et baux. » ;

13– Considérant qu’en cas de décès, ou d’absence et d’abandon de poste dûment constatés, ou de démission, ou de déchéance, ou toute autre cause d’empêchement du Maire en fin de son mandat dûment constatée, après la constatation de vacance de poste par le Tribunal Administratif territorialement compétent, une délégation spéciale, laquelle exerce les attributions du Maire jusqu’ à l’élection du nouveau Maire, devra être mise en place par voie réglementaire ;

14– Considérant de surcroît que selon les termes de l’article 309 de la loi n°2014-020, « Les membres des Conseils municipaux ou communaux, les Maires et leurs adjoints qui se portent candidats aux élections communales, sont déclarés démissionnaires d’office aussitôt que leur candidature aura été affirmée recevable par l’organe de vérification et d’enregistrement des candidatures. L’intérim des Maires déclarés démissionnaires d’office sera assuré par l’adjoint au Maire dans l’ordre de leur nomination. » ; que ces dispositions de la loi s’appliquent aux autorités administratives communales y compris les membres des délégations spéciales concernés faisant acte de candidature ;

En conséquence,
la Haute Cour Constitutionnelle
émet l’Avis que : 

Article premier. -La demande d’avis formulée par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement est recevable.

Article 2.– Les Maires et les Conseillers communaux ou municipaux sortants et en fin de mandat sont maintenus provisoirement en activité jusqu’à l’élection de leurs successeurs devant se tenir cette année.

Article 3. – Les Maires et les Conseillers municipaux et communaux en fin de mandat continuent à exercer leurs attributions prévues à l’article 14 jusqu’à l’article 50 de la loi n°2014-020 du 27 septembre 2014 relative aux ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées, aux modalités d’élections, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions de leurs organes, sous réserve du considérant 12.

Article 4. – Pour les cas prévus au considérant 13 du présent Avis, une délégation spéciale sera mise en place par voie réglementaire.

Article 5.-Les dispositions de l’article 309 de la loi n°2014-020 s’appliquent aux autorités administratives communales dès la publication officielle de la liste des candidats aux élections communales par l’organe de vérification et d’enregistrement des candidatures.

 Article 6.- Le présent Avis sera notifié au Premier ministre, Chef du Gouvernement et publié au Journal officiel de la République.

Ainsi délibéré en audience privée et par visioconférence tenue à Antananarivo, le jeudi vingt-cinq janvier l’an deux mille vingt-quatre à dix heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :

Monsieur FLORENT Rakotoarisoa, Président
Monsieur NOELSON William, Haut Conseiller – Doyen
Madame RATOVONELINJAFY RAZANOARISOA Germaine Bakoly, Haut Conseiller
Madame RAKOTOBE ANDRIAMAROJAONA Vololoniriana Christiane, Haut Conseiller
Madame RAKOTONIAINA RAVEROHANITRAMBOLATIANIONY Antonia,Haut Conseiller
Monsieur MBALO Ranaivo Fidèle, Haut Conseiller
Monsieur RASOLO Nandrasana Georges Merlin, Haut Conseiller
Madame RAZANADRAINIARISON RAHELIMANANTSOA Rondro Lucette,Haut Conseiller
Madame ANDRIAMAHOLY RANAIVOSON Rojoniaina, Haut Conseiller ;

Et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.